Douleur

 

 

Douleur en qui j’ai cru voir ma pire ennemie,

Douleur que tout mon être appréhende si fort

Que sera ton visage à l’heure de la mort ?

De quels yeux te verrai-je aux lumières du port,

Quand mon âme aura fui de ma chair endormie ?

 

Quand tu m’apparaîtras dans la clarté de Dieu,

Douleur aux lourdes mains, douleur au front sévère,

Compagne sans pitié de mes jours de la terre,

Ne bénirai-je point ta rigueur nécessaire

Comme un bienfait du Ciel, et le plus précieux ?

 

Ô douleur ! Ô calice empli d’un noir breuvage

Dont Dieu n’exempta pas la Vierge sans péché,

Ni le Fils qui mourut au bois dur attaché,

Pour quel œuvre éternel, pour quel dessein caché

Es-tu, jusqu’au tombeau, notre commun partage ?

 

Énigme dont le mot nous échappe ici-bas,

Et des secrets d’en haut le plus impénétrable,

Je t’accueille, douleur, en mon cœur misérable,

Car je vois s’entrouvrir, alors que tu m’accables,

La demeure de joie où tu conduis mes pas !

 

 

Comtesse de FORGES.

 

Recueilli dans Anthologie de la Société des poètes français, t. I, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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