Sur une image du Christ

 

 

 

                          La vie est revenue, – hélas, et les tourments !

                          .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   

                          Ô Jésus !... prends pitié des monstres que nous sommes...

 

                                                                              SEREYNE

 

 

Ce chef-d’œuvre achevé qui révèle le feu

De ton art inspiré, ô peintre, cette image

Où rivé sur sa Croix agonisait un Dieu,

Que ne vit-elle un peu sur chaque humain visage !

 

Ô silence ébloui de mon être brûlant

Devant cette douleur que fouilla ton génie,

Devant cette figure où tu fixas sanglant,

Ce drame éblouissant de Tendresse Infinie !

 

Que tu dois ressentir un délirant bonheur

De pouvoir enlacer de tes rêves d’artiste

Le vertige amoureux de ce regard qui meurt...

Ce beau front pitoyable où la douleur insiste !

 

Vois comme les tourments sont revenus !... le sang

Roule... fige... élargit cette entaille sévère,

Ô peintre, dis-le moi, mais quel transport puissant

A fait sous tes pinceaux resplendir le Calvaire ? –

 

Oui, le Christ est vivant ! Brûle-moi, repentir !

Je l’ai vu haletant sous mes pesantes fautes,

Et le mien a saigné longuement à sentir

Palpiter ce grand Cœur ouvert entre les côtes !...

 

Sa bouche remuait au souffle du pardon,

Flagellée et livide ; et j’ai vu toute fraîche,

Miracle revécu !... surgir la Passion !

Et ces cheveux raidis comme une éteinte mèche !...

 

Que ne suis-je, Seigneur, ô Martyr immortel

Du féroce dédain qu’ont pour Toi tous ces hommes,

Telle un cierge qui brûle illuminant l’autel...

« Ô Jésus !... prends pitié des monstres que nous sommes ! »...

 

Dans la nuit tyrannique où la douleur m’étreint,

La nuit inexorable où tous mes os grelottent,

Je sens passer l’Amour du Dieu que tu as peint,

Et des rayons en croix sur le noir du temps flottent !

 

Je sens qu’Il est tout près, qu’Il entrouvre mon cœur...

Et j’oublie en lui seul la souffrance qui broie.

C’est notre impérissable et splendide bonheur

D’avoir à consoler notre Divine Proie !

 

Comme il faut que je t’aime, ô Maître ! mon Sauveur !

 

Pourquoi n’avons-nous pas sur nos corps de ténèbres,

De ce Corps de Lumière appuyé les vertèbres...

Pourquoi n’avons-nous pas sur nos cœurs poussiéreux

Longuement captivé ce seul Cœur amoureux...

 

 

 

Marie-Anna FORTIN,

Bleu poudre, 1939.

 

 

 

 

 

 

 

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