Sublime compensation

 

 

Consolez-vous, chère Âme à qui fut dévolu

Tout le secret de l’art. Dans l’Éden de lumière,

C’est l’Artiste éternel qui convoite là-haut,

D’un domaine jaloux votre ardeur tout entière !

L’eussiez-vous dépensée aux décors les plus beaux

C’eut été l’entamer pour un moins noble thème.

Car le ciel dénouera les chaînons de votre art

Et fera resplendir sa floraison suprême !

Puissiez-vous sans regrets ne pas vivre trop tard

Pour décrire au plus tôt, d’immortels paysages !

Il fallait plus pour savourer vos chauds portraits

Que le tremblant regard d’un monde trop volage. –

Les anges recueillis dont vous fondrez les traits

Ineffablement purs en suaves merveilles

De coloris, vous offriront au séjour bleu,

D’un geste plus léger qu’un coup d’ailes d’abeilles,

Leur palette trempée au cœur d’un astre en feu.

Et d’un jet vous peindrez le Dieu que nul encore

N’a peint dans le triomphe inouï de l’amour !

Sur les pans clairs du ciel, que l’étoile perfore

Et que l’azur soutient, vous manierez un jour

Le jeu des reflets d’or et fixerez l’extase

Des groupes ravissants de saints en oraison !

Mysticisme brûlant que l’idée ou la phrase

Ne saurait définir !... Quand l’errante chanson

Des soirs miraculeux vient engourdir les hommes,

Sur le mol horizon tout pâmé de plaisir,

Vous fleurirez le temps d’un vermillon de pomme.

Et si c’était de Dieu l’immuable désir

Que vos nobles yeux pers avant les miens se scellent,

Vos yeux, ces jardins d’eau, fontaines d’idéal,

Du profond paradis où les nuits étincellent,

Viendrez-vous quelquefois quand l’hiver me fait mal,

Décalquer en bouquets d’éblouissants pétales

Sur le frimas mousseux de mes carreaux mi-clos ?

Et puis descendrez-vous aux heures matinales

Jusqu’au cœur de mon cœur où demeurent enclos

Mes désirs indomptés ? Après une prière,

Une étreinte, un regard, tracerez-vous en moi

Comme un vivifiant sillage de lumière ?...

Avant de remonter peindre auprès du Grand Roi

                     L’aile des anges en émoi. –

 

 

 

Marie-Anna FORTIN,

Bleu poudre, 1939.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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