Symphonie en bleu

 

 

Tiède silence. Heure d’éternité !

              Sur l’azur vaste :

Compassion, confiance, hilarité,

              Langueur et faste !

La pulpe bleue en flocons haletants,

              Aux hirondelles,

Fait avaler son plaisir suffocant

              Lorsqu’un bruit d’ailes

Monte érafler la face du ciel clair !

              La résonance

Des bords du lac rythme au vent chaud d’été

              La nonchalance

D’un héron grêle, haussant son col bleuté

              Sur l’onduleuse

Pâleur des joncs où l’haleine de l’eau

              Tumultueuse

Vient se buter en mousseux trémolo !

              Soûl de mystère,

L’adagio touffu, sauvage et preux

              Des pins austères

Poursuit au bois le tourment vaporeux

              Des naïades

Au cœur gorgé d’eau bleue. Elles s’effrayent,

              Font des gambades,

Fouillent la mousse où, copieux et frais,

              Bouge et bourdonne

Le menuet vif des bluets cendrés !

              Midi bâillonne

Les bondissants parfums au cœur dévot

              Des campanules

Près d’un vieux mur effrité d’avoir chaud !

              Les libellules

En mousseline, au corps poudré de clairs

              Reflets turquoise

Vont esquisser une valse en plein air,

              Leur jeu se croise

Aux tintements d’un allegro qui fuit

              Et qui résonne

Sur le beau temps où la saison reluit !

              Tout déraisonne

Et l’on ressent cette élasticité

              Aérienne

D’un vol sublime où l’on aurait été

              La gardienne

Pour terre et ciel de cet immense azur

              Où l’air mordille

Le fol été comme un raisin trop mûr !

              Le plaisir grille,

Céleste essence en bulles indigo

              Que la démence

Des cris d’oiseaux crève et sème en écho !

              Ô transparence

Laiteuse où vibre au vent la crudité

              Du paysage !

Lapis de ciel sur la mobilité

              Du chaud feuillage

À claire-voie ! Effusions du jour :

              Rêve, musique,

Limpidité, frissons, stances d’amour !

              Souffle mystique,

Lac soleilleux, chaleur, calme agité !

              Fruits mûrs, féeries,

Ô solitude ! ô mouvante beauté !

              Ô poésie !...

Vous incarnez les multiples reflets

              De l’âme exquise

Que j’apparente à vos chemins secrets !

              Oui, dans la brise,

Chère Âme bleue où tient tout l’infini,

              Votre tendresse

Passe et m’étreint à cet instant béni

              Où l’allégresse

Du jour penché rythme pour louer Dieu

              Les sons champêtres

Qui font vibrer la symphonie en bleu

              Jusqu’en nos êtres !

 

 

Marie-Anna FORTIN,

Bleu poudre, 1939.

 

 

 

 

 

 

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