Vieux refrain

 

 

Sur la route où je chemine,

J’ai, tout à l’heure, entendu

Une petite gamine

Chanter un refrain perdu,

 

Chanter d’une voix très douce,

Sur un air lent et banal :

« Je ne suis qu’un pauvre mousse

À bord du vaisseau royal... »

 

C’était peu de chose, en somme

Cinq on six mots, quelques sons ;

Mais il est, au cœur de l’homme,

De mystérieux frissons,

 

Et les naïves complaintes

Ont quelquefois de ces traits

Dont nos âmes sont atteintes

Pour longtemps saigner après.

 

Pauvre mousse d’un autre âge

Parti sur la vaste mer !

Tout son mal, tout son courage

Revivaient dans ce vieil air ;

 

Et, le soir, sous les étoiles,

Je le voyais, ce marmot,

En train de plier les voiles

Et d’étouffer un sanglot.

 

Et puis, c’est aussi ma vie :

Comme lui, jadis, du quai,

La mer me faisait envie,

Et je me suis embarqué.

 

Le but fuyant me repousse :

Dans la course à l’idéal,

Je ne suis qu’un pauvre mousse

À bord du vaisseau royal...

 

Et, dans cette heure sincère,

En songeant à ce petit,

J’ai pleuré sur ma misère,

Moi le mousse au loin parti !

 

 

 

Charles FUSTER.

 

 

 

 

 

 

 

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