Le soulier de Noël

 

 

                                                 À mon fils Jacques.

 

C’est Noël ! je comprends ta joie.

Ce soir, dans l’âtre familier,

Tous les affreux tyrans qu’on choie

Vont mettre leur petit soulier ;

 

Et, demain, dans la peur amère

De voir les doux yeux se mouiller,

Trembleront le père et la mère

En tirant le petit soulier.

 

Le bon Noël, avec sa hotte,

Descendra dans notre foyer !

J’y mets aussi ma grosse botte,

Sœur de ton cher petit soulier ;

 

Et je me souviens de l’année

Où je vis tout rire et briller ;

C’est que ma tendresse était née :

Dieu t’avait mis dans mon soulier.

 

Ce qu’à présent mon cœur désire

Va doucement l’ensoleiller :

C’est ta santé, c’est ton sourire

Que Dieu mettra dans mon soulier.

 

Si Noël porte une surprise

Pesante à le faire crier,

La grosse botte sera grise

Des bonheurs du petit soulier.

 

Dors en paix, beau mignon, et rêve

– Tout haut, mais sans te réveiller –

Qu’à côté de toi, je soulève

Grosse botte et petit soulier.

 

Tu n’auras pas toujours, cher être,

Nos faibles bras où t’appuyer ;

Des épines qu’il faut connaître

Meurtriront ton petit soulier ;

 

Mais tes plaisirs seront les nôtres

Si tu sais croire, aimer, prier,

Et si c’est le bonheur des autres

Que Noël met dans ton soulier !

 

 

 

Charles FUSTER.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1897.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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