SURSUM

 

 

                                                                À Eugène Rambert.

 

 

Quand nos rêves éteints retombent en fumée,

Quand les espoirs déçus trompent nos cœurs lassés,

Quand, de toute une vie aimante et parfumée,

Il ne reste plus rien que les tourments passés ;

 

Quand la femme chérie a brisé nos chimères,

Quand la place est déserte où l’on venait s’asseoir,

Quand nous ne savons plus, comme nos vieilles mères,

Redire lentement la prière du soir ;

 

Quand nous avons perdu nos tendresses suprêmes,

Quand le cœur est saignant, quand le mal est cruel,

Alors désespérant de nous sauver nous-mêmes,

Jetons là notre orgueil, et regardons au ciel !

 

Nous pouvons, déchirés, d’une angoisse futile,

Nous abattre sans cause et blasphémer en vain,

Nous pouvons insulter l’amour qui nous mutile, –

Le ciel reste profond, secourable et divin.

 

Nous parlons de souffrance intime et solitaire,

D’éternelles douleurs qu’on ne peut réparer.

Taisons-nous ! nos sanglots vont plus haut que la terre :

À l’heure où nous pleurons, Dieu nous entend pleurer.

 

 

 

Charles FUSTER.

 

Paru dans La Sylphide en 1898.

 

 

 

 

 

 

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