Cités et campagnes

 

(FRAGMENT)

 

 

Les cités, ici-bas, naissent, se multiplient,

Dans leurs grands bras de pierre enserrant les humains ;

Elles forment un monde où partout se rallient

Les intérêts du siècle et ses jeux incertains.

Mais leur bruit, leur éclat, leur pompe, leur richesse

Ne voilent qu’à demi plus d’une pauvreté ;

Elles n’ont pas l’air pur et la suave ivresse

De la brise des champs exhalant la santé ;

Elles n’ont pas le calme et le pieux silence

Où l’on peut écouter, dans le secret du cœur,

Les douces voix d’amour, de joie et d’innocence

Que du ciel fait ouïr la bonté du Seigneur ;

Elles n’ont pas des bois la paix majestueuse,

De la plaine ou des mers les vastes horizons,

Des prés la fleur sauvage et l’herbe moelleuse,

Ou les glaciers géants, couronne des hauts monts.

L’œuvre de l’homme seule absorbe la pensée

En ces palais dorés, en ces temples des arts ;

De sa gloire en tous lieux l’idole s’est dressée

Et de son Créateur il a fui les regards.

La première cité, nous apprend le saint Livre,

Par Caïn fut bâtie après son crime affreux ;

Hénoc était son nom. Le maudit alla vivre

Dans les murs qu’éleva son bras audacieux.

Mais aux jours de bonheur, de félicité pure,

L’homme reçut de Dieu pour demeure un jardin ;

L’amour de l’Éternel, au sein de la nature,

Formait un doux accord, délice de l’Éden...

 

 

 

Élisabeth-Sophie GALLOT.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1897.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net