Indépendance

 

 

L’homme est né libre et fort et la forme charnelle

Sous son limon grossier garde une âme immortelle.

 

Je ne suis pas de ceux qui de leur liberté

Font un roseau qui plie à toute volonté

Et qui changent leur être en un polichinelle

Dont chacun à son gré peut tenir la ficelle.

Je suis libre par droit et libre comme l’air,

Comme l’aigle des monts qui vole sous l’éclair ;

Je n’ai pas de palais, pas de garde à ma porte,

Je dors sous un vieux toit ; mais que j’entre ou je sorte,

Personne ne vient là pour me dire ; arrêtez !

 

Je n’ai pas de trésors en écus bien comptés,

Mais je ne tends jamais la main pour une aumône ;

Je mange de bon cœur le pain que Dieu me donne.

 

À d’autres de ramper et de courber les reins

Pour poursuivre leur but et leurs désirs sans freins.

Gloire ! honneurs ! qu’est cela ? de la paille allumée,

Avec beaucoup de bruit et beaucoup de fumée !

 

À d’autres s’il leur plaît d’être lâches ou fous,

D’aller s’agenouiller et d’user leurs genoux

Devant un vil métal dont ils font une idole,

À laquelle, en leur cœur, tout sentiment s’immole !

Il vaut mieux dormir libre en un manteau troué

Que d’être à cette honte, ainsi, toujours cloué.

 

Je n’ai jamais porté le fardeau d’une chaîne,

Pourtant Dieu m’a pétri dans une argile humaine ;

Comme tous j’ai souffert, comme tous j’ai pleuré.

Du creuset de douleur l’homme sort épuré,

Et, sur l’enclume, plus on a battu l’épée,

Plus la lame est brillante et fortement trempée.

 

Ainsi Dieu m’a fait fort en passant par ses mains.

 

Je suis libre par lui, je vais par les chemins

Droit au but, sans souci des faux discours des hommes ;

Et, lorsque j’ai besoin, jamais leurs vains fantômes

N’entendent de ma voix des prières de miel ;

Non !... je lève la tête et je regarde au ciel.

 

Les uns appelleront cela de l’égoïsme

Ou de la barbarie, et d’autres un sophisme !

Erreur ! je ne suis rien que ce qu’ils ne sont plus,

J’ai gardé, voilà tout, les biens qu’ils ont perdus.

Qu’ils grandissent leur plaie encore davantage,

Qu’ils rivent à leurs pieds la chaîne d’esclavage ;

Moi, je veux être libre, et libre en dépit d’eux ;

 

Nul, hormis Dieu, n’a droit de me dire : Je veux.

 

 

                                                                                    1855.

 

 

 

Louis GALLET,

Gioventù, poésies,

1857.

 

 

 

 

 

 

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