Soir mystique

 

 

Le soir tombe. Là-Iras, sur la plaine apaisée,

Court dans les oliviers une lueur rosée.

Les chevaux ébroués rentrent de l’abreuvoir.

Les abeilles déjà donnent au fond des ruches,

Et dans la pièce sombre où se glisse le soir

La lampe qu’on allume a fait luire les cruches.

Ô braves gens, chez vous j’aime à venir m’asseoir

A cette heure du jour entre toutes paisible

Où les bons serviteurs se reposent... Repos

De la maison où rêve une fée invisible !

Des touffes de genêts trempent dans de grands pots,

Et les amandes d’or sèchent sur un vieux crible.

Il me semble relire un verset de la Bible

À la page où Jacob parle de ses troupeaux,

Car le bruit des brebis vient par la porte ouverte

Et se mêle aux parfums de l’obscurité verte,

D’où rêveur se détache un berger sous un pin.

La table est mise, on sent la bonne odeur du pain,

Le vin de l’an passé brille dans les bouteilles,

Et près du beurre frais et des figues vermeilles

La soupe fume au fond des assiettes d’étain.

La beauté de la race antique et vénérable

S’est assise avec nous autour de cette table.

Le vieux Jean s’est signé d’un grand signe de croix.

Et dans l’eau que je bois, dans ce pain que je mange,

Je communie avec la prairie et la grange,

Et le soir est si pur et si bleu due je crois

Qu’au fond de la campagne où le vieux berger marche

Dieu visite le cœur de quelque patriarche.

 

 

Joachim GASQUET, Les Chants séculaires.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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