La première communion

 

 

Où vont de ces enfants les flots religieux ?

Un éclat doux et pur anime leur visage,

               Pareil au rayon gracieux

               Dont brille un matin sans nuage.

Leur front qui réfléchit la candeur de leur âge,

Vers la terre penché, semble rêver les cieux.

 

               Pour eux s’accomplit le mystère

Où, quand de sa raison le premier jour a lui,

L’homme, nourri du Dieu qui s’immole pour lui,

Achève du chrétien le sacré caractère,

               Et dans le ciel cherche l’appui

               Qu’il ne trouve pas sur la terre.

 

L’un par l’autre embellis, deux sexes différents,

Convives séparés, s’étendent sur deux rangs,

Pour le commun banquet recueillis en silence.

Vers le juge équitable et le Père indulgent,

Qui les pèsera tous dans la même balance,

S’élèvent, confondus, les vœux de l’opulence

               Et l’hommage de l’indigent.

 

           L’orgueil n’est pas où la prière habite ;

Dieu ne mesure pas le pardon au bonheur :

           L’égalité, sur la terre proscrite,

Vient se réfugier aux autels du Seigneur.

 

               L’art, pour eux, ornant la nature,

Sous une main amie arrangea simplement

Le fin tissu de laine, ou la gaze ou la bure.

               Leur âme aussi dans ce moment

           Va revêtir sa plus riche parure.

 

De leurs mères, près d’eux, fières de se ranger,

Je vois les yeux briller sous un voile de larmes ;

Pour instruire l’objet de leurs tendres alarmes,

Leur zèle seconda les soins de l’étranger.

Donné par le pasteur, le précepte sévère,

               Toujours des lèvres d’une mère

               Tomba plus doux et plus léger.

 

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Oui pour eux, dans le ciel, un nouveau jour commence.

Tendres mères ! par vous formés, dès le berceau,

Ils ont du lourd péché secoué le fardeau ;

Au saint médiateur, qui transmet la clémence,

               Leur cœur naïf s’est révélé,

               Rajeuni par la pénitence ;

Du Dieu qui les réclame il attend la présence,

Léger comme l’encens, dans les airs exhalé,

Pur comme ce lin blanc, symbole d’innocence,

Dont le front virginal en ce jour s’est voilé.

 

Ils ont ravi sa proie à l’esprit de l’abîme ;

Tout son pouvoir en eux vient de s’anéantir.

               Avant de connaître le crime,

               Ils connaissaient le repentir ;

À nos tristes erreurs leur jeune âme étrangère,

               Par le remords consolateur,

Brûle de racheter l’omission légère ;

               Sur les ailes de la prière,

Timide, elle s’élève au divin Rédempteur ;

Priez, simples enfants, priez, pleins d’espérance ;

Redoublez de vos vœux l’innocente ferveur ;

Priez, car nul parfum n’est plus doux au Seigneur

               Que la prière de l’enfance.

 

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Avant de les admettre au mystique festin,

Le pasteur, l’œil humide et la voix attendrie,

Déroule à leurs regards leur sublime destin ;

Pour prix d’un peu d’amour, à l’horizon lointain,

               Montre l’éternelle patrie.

De leur âme docile hôte mystérieux,

Le Seigneur les remplit, les presse, les domine,

En sanglots étouffés soulève leur poitrine,

Prolonge à flots brûlants leurs pleurs délicieux.

 

Tremblez, enfants ! le temple a repris son silence ;

Le prêtre a remonté les marches de l’autel ;

Il prie, il tient en main le calice immortel :

               Déjà sa bouche recommence

Les mots sacrés que suit le banquet solennel ;

Il approche, tremblez..... Mais non : de la victime

Le sang réparateur dans vos seins a germé ;

L’ange du mal a fui, le ciel s’ouvre, l’abîme

               Sous vos pas vainqueurs s’est fermé.

Sur vous du Rédempteur le sceau divin s’imprime,

               Le sacrifice est consommé.

 

 

 

Eugène GAULMIER.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques

de l’école romantique, 1879.

 

 

 

 

 

 

 

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