Cathédrales

 

 

Ô colosses muets ! Divines basiliques !

Ô forêts de piliers et de flèches à jour

Dont la cime est au ciel ! – Éloquentes reliques

            Des temps de croyance et d’amour !

 

Ô vaisseaux de silence ensevelis dans l’ombre ;

Voûte sonore, où tout semble prier pour nous !

Temples des saints pâlis que, dans leur niche sombre,

Les moins désabusés implorent à genoux !

 

Lieux de recueillement, de paix et de mystère,

Qui redites l’écho des Oremus lointains,

Où des cœurs exaltés, s’arrachant à la terre,

Songent avec ivresse aux Paradis atteints ;

 

Chefs-d’œuvre d’espérance altière, ô cathédrales !

Il souffle sous vos toits un vent d’éternité,

Et l’envergure qu’ont vos ailes magistrales

            Convient à leur divinité.

 

Ces artisans obscurs étaient de grands génies,

Qui lançaient dans les airs, légers et gracieux,

Les pilastres, voisins des sphères infinies,

Et travaillaient gaîment dans l’atelier des cieux.

 

Ils s’élevaient, avec leur œuvre, dans la nue ;

Et, tout le jour, montés sur de faibles tréteaux,

Communiquant la vie à la matière nue,

Ils rendaient éloquents les fronts des chapiteaux.

 

Ils n’avaient pas la soif des vaines renommées,

Justement glorieux quand leur ciseau vainqueur

Avait su révéler aux pierres animées

            La foi qui chantait dans leur cœur.

 

            Si la Grèce a ses Propylées.

            Ses Dieux, ses Apollons puissants,

            Ses chars de Victoires ailées,

            Dans la fraîcheur de ses vallées,

            Sous le soleil resplendissants ;

 

            Si Phidias a son Pandrose,

            Si les frises du Parthénon

            Près d’un bosquet de laurier-rose

            Que l’onde du Céphise arrose

            Immortalisèrent son nom ;

 

            Nos hardis bâtisseurs de temple

            Sont grands auprès de leurs aïeux ;

            Et le siècle, qui les contemple,

            Jaloux de suivre leur exemple,

            Cherche encore à s’inspirer d’eux.

 

            Ils brillaient de leurs propres flammes ;

            Et l’on parlait dans l’univers

            De nos maçons aux nobles âmes,

            Les seuls auteurs de ces vieux drames

            Qui se déroulent dans les airs.

 

Ils n’avaient ni le ciel ensoleillé d’Athènes,

Ni l’Océan, toujours paisible, pour décors,

Ni ce cadre riant de monts et de fontaines

Où scintille l’éclat des azurs et des ors ;

 

Mais ils avaient la foi qui sauve et qui protège ;

Ils méprisaient la mort, de leur front radieux ;

– Ils ignoraient l’Olympe et son brillant cortège :

Mais le Dieu qu’ils servaient contenait tous les Dieux !

 

 

 

Charles GUERLIN DE GUER.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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