À Auguste au ciel

 

 

Mon bien-aimé, mon Auguste aux traits d’ange.

Quitte pour moi la céleste phalange

        Un peu de temps !

De ton aspect mon âme est altérée,

Je veux revoir ton image adorée ;

        Viens, je t’attends !

 

Si Dieu permet aux âmes bienheureuses

D’entendre au ciel des plaintes douloureuses

        Monter la voix,

Tu peux me voir, et tu m’entends sans doute ;

Et moi, mon fils, dans mon cœur je t’écoute

        Et je te vois.

 

Viens occuper ta place accoutumée,

Viens reposer ta tête bien-aimée

        Sur mes genoux,

Mets dans ma main ta main blanche, amaigrie,

Et fixe encor sur ta mère attendrie

        Tes yeux si doux !

 

Lorsqu’en hiver, au temps des longues veilles,

Du Dieu sauveur je contais les merveilles

        Au coin du feu,

Tu me disais : « Encor, encor, ma mère,

J’écouterais pendant la nuit entière

        Parler de Dieu ! »

 

Ta mère, hélas ! n’a plus rien à t’apprendre !

Tu sais de Dieu ce que ne peut entendre

        Un cœur mortel ;

Ô mon enfant ! c’est à toi de m’instruire ;

Beau séraphin, c’est à toi de conduire

        Ta mère au ciel !

 

Par tes récits enchante mes oreilles,

Raconte-moi les heureuses merveilles

        De ton séjour ;

J’écouterais du soir jusqu’à l’aurore ;

Parlons de Dieu, mon fils, encore, encore :

        C’est à ton tour.

 

Oh ! parle-moi d’immortelle espérance !

J’ai tant souffert durant ta longue absence !

        J’ai tant pleuré

Que l’amertume, en pénétrant mon âme,

À submergé toute divine flamme,

        Tout don sacré !

 

Dévoile-moi l’ineffable mystère

Que sait la mort et que cache la terre

        Aux yeux en pleurs ;

Dis-moi si l’âme, au ciel calme et remplie,

Aux exilés songe et jamais n’oublie

        Qu’on aime ailleurs.

 

Du Tout-Puissant enseigne-moi les voies,

Ma douleur trouve au récit de tes joies

        Quelque douceur.

Fais luire en moi le jour pur qui t’éclaire ;

N’as-tu pas vu là-haut ma sainte mère

        Avec ta sœur ?

 

Tu m’as parlé !... J’écoute, je devine ;

Oui, tu m’as dit, dans ta langue divine :

        « J’aime, je vis ! »

Et j’ai compris ce qu’ici rien n’exprime ;

Je crois en toi, ma force se ranime ;

        Merci, mon fils !

 

 

Louise GUINARD.

 

Recueilli dans Femmes-poètes de la France,

anthologie par H. Blanvalet, 1856.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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