Ballade du veilleur de hune

 

 

L’aigre brume m’a consolé

de tous mes péchés de jeunesse,

de toutes mes jolies maîtresses,

de leurs sourires en allés...

Lorsque vous les rencontrerez,

se lutinant à perdre haleine,

elles dérouleront leurs tresses...

vous aussi, mes trop chers baisers...

Ainsi meurent toutes les peines !...

 

Lorsque vous les rencontrerez

sur la barque proche ou lointaine :

Viviane, Yseult, Yvelaine,

et Mélusine qui fut Reine,

et Yane la pure Princesse,

beaux Seigneurs, ne leur demandez

où vont les cœurs que l’on délaisse,

les rêves et les pleurs versés !...

Au loin meurent toutes les peines !

 

Et si vous les interrogez

malgré la pluie, malgré le vent

et mes sanglots à longue traîne,

malgré la nuit qui les attend,

dites-leur qu’il y a longtemps

un jeune homme s’est avancé :

il avait un anneau d’argent,

elles ne l’ont point embrassé...

Ainsi meurent toutes les peines !

 

 

                ENVOI

 

Prince ! dans leur surcot de laine,

lorsque, par la nuit qui s’étend

et la rumeur des cantilènes,

dormiront les petits enfants,

souviens-toi de celui qui traîne

avec du givre entre les dents

Il se retourne en soupirant...

Au loin meurent toutes les peines !

 

 

 

Jean HAMON.

 

Recueilli dans Les poètes de la vie :

œuvres inédites d'auteurs contemporains,

choix de Louis Vaunois et Jacques Bour, 1945.

 

 

 

 

 

 

 

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