Le phtisique

 

 

                                                     Pour Octave Mirbeau.

 

 

Les flammes du foyer retirent leur lumière

Du visage de l’homme assis dans la chaumière,

L’être immobile a la pâleur des moribonds.

Ses tristes yeux, gênés par l’éclat des charbons,

Regardent le fenêtre et les lointains villages.

L’air ne fait même pas chuchoter les feuillages,

Et les grands peupliers sont tout droits dans la nuit.

Sous la lune, les champs déserts n’ont aucun bruit.

Seuls des pas rapprochés résonnent sur la route.

Des gens parlent entre eux et le malade écoute.

Dans le calme effrayant de l’immobilité,

Il recueille les sons avec avidité.

Les pas troublent son cœur, des mots lui font envie.

Qui donc passe devant la maison ? C’est la Vie.

 

L’homme est jeune, il voudrait encor franchir les monts,

Gagner le plaine : un mal horrible en ses poumons

Détruit le souffle : il peut s’éteindre à chaque haleine.

Il ne reverra plus les coteaux ni la plaine,

Et les hauts peupliers, noirs et mystérieux,

Comme des cierges d’ombre, au fond des tristes yeux,

Vont se planter, tout droits, sans que rien les balance,

En des vallons d’oubli, de mort et de silence.

 

Les arbres des vallons, sonores autrefois,

Bruissaient, frémissaient aux vents, telles des voix

Orchestrales au loin, profondes, sans pareilles,

De mille bruits légers emplissant les oreilles.

Les arbres chantaient bien... Pourquoi sont-ils muets ?

Près du jardin la lune a d’étranges reflets...

Voici que l’homme a peur... Ô nuit, ô solitude !

Il désire ta main qu’il presse d’habitude.

L’affectueuse main promise aux derniers jours,

Il ne peut la chercher : ses bras, devenus lourds,

Restent collés aux flancs que le râle soulève.

Et l’homme, vers le ciel ouvrant ses yeux de rêve,

Par la vitre où la lune, ample et soudaine, a lui,

Croit voir la mort descendre et ricaner sur lui.

 

 

 

Paul HAREL, Les Heures lointaines.

 

 

 

 

 

 

 

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