Sur un tombeau

 

 

Dors en paix, dors en paix, sous ce toit de verdure ;

Ta couche de cailloux doit te paraître dure,

Mais on ne les sent plus dans ton suaire épais,

                        Dors en paix.

 

Ils ont bien remué leur édredon de sable

Sur ton cœur, sans troubler le calme impérissable

Dans lequel, au dernier moment, tu te drapais,

                        Dors en paix.

 

Tu n’entends plus les vœux que je fais sur ta tombe...

Ma complainte, au néant sans t’arriver retombe ;

Vaudrait-il beaucoup mieux qu’il en fût autrement ?

                        Non, vraiment.

 

Car ton bonheur n’est plus chose incertaine ou fausse.

Que n’ai-je pu m’étendre avec toi dans ta fosse...

Nos deux cœurs s’aimaient tant... nous y serions encor

                        Si d’accord...

 

Tu dors, et n’entends plus jamais sonner la cloche,

Ni les clameurs du guet lorsque minuit approche,

Et qu’il fait, en criant à pleins poumons, le tour

                        De sa tour.

 

Quand par le ciel en feu l’orage s’amoncelle,

Le tonnerre au loin craque et la flamme ruisselle,

Sans que rien désormais trouble mal à propos,

                        Ton repos...

 

Tu les as maintenant bien loin de toi chassées,

Pour n’y plus revenir, ces sinistres pensées,

Qui rendaient par moment ton limpide regard

                        Si hagard.

 

Oui, tu dois être heureux, car sous la froide terre,

Chaque tourment est bien obligé de se taire...

Tous nos maux, Dieu merci, finissent au trépas,

                        N’est-ce pas ?

 

Si j’étais près de toi je me rirais du reste ;

Mais je suis seule ici devant ta croix agreste,

À pleurer, sans que nul vienne alléger d’un grain

                        Mon chagrin.

 

Oh ! mon samedi soir, pour moi qui me lamente,

Viendra bientôt, j’espère, et vers l’amant, l’amante

Trouvera, grâce aux soins d’un voisin jeune et beau,

                        Un tombeau.

 

Et quand je serai là, froide, dans tes ténèbres ;

Quand ils m’auront chanté tous leurs versets funèbres,

L’édredon s’étendra sur moi comme un pressoir

                        Et... bonsoir.

 

Alors nous dormirons ensemble, et quand approche

La nuit, nous n’entendrons plus sonner nulle cloche,

Jusqu’au jour où luira pour nous un grand soleil

                        Tout vermeil.

 

Or ce jour-là sera le dimanche ; les anges

Chanteront par les airs comme font les mésanges,

Et nous nous lèverons en ouvrant, tous joyeux,

                        De grands yeux.

 

Et l’église sera neuve et bien éclairée,

Et nous irons tous deux sous sa voûte dorée,

Chanter l’Alleluia qui, pour nul séraphin,

                        N’a de fin.

 

 

 

Jean-Pierre HEBEL.

 

Traduit de l’allemand par Max Buchon.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net