Le porche de l’église

 

 

Ne mise pas sur des espoirs. Ceux qui font de leurs vêtements des avocats pour amadouer la fortune voudraient que leurs simples dires soient crus à l’égal de leurs serments et ressemblent à des nefs chargées de voiles et vides. Les vieux courtisans le savent bien : équipe-toi donc au départ de façon à pouvoir tenir tout le jour.

 

En fait d’habits, l’élégance jointe au bon marché emporte la palme. La sagesse est chose plus seyante que boutique ait jamais vendue. Donc ne dis pas : « Ceci ira bien avec cette dentelle », mais « Ceci avec ma prudence fera galant. » Montrer beaucoup de recherche, c’est faire au néant une cour perpétuelle et fatigante, c’est folie qui longtemps se démène.

 

Ne joue donc pas pour gagner, mais pour te divertir. Qui joue plus gros enjeu qu’il ne saurait perdre sans déplaisir, mise son cœur, peut-être aussi celui de sa femme et de ceux qu’elle a enfantés. Les domestiques et les églises sont aussi de la partie. – Seul un héraldiste passant par là trouve enfin le nom craquelé du joueur sur un vitrail d’église.

 

Si pourtant tu aimes le jeu, même à si cher prix, apprends ceci qui a coûté cher aux joueurs qui t’ont précédé Perds-tu ? Lève-toi, quitte la table de jeu. Gagnes-tu ? Lève-toi sur-le-champ. Qui s’entête avec des cartes perdantes est perdu. Le jeu est pour de simples citoyens vraie poudre à canon qui en pleine paix fait sauter les maisons et toutes leurs richesses.

 

Dans la conversation, de nos jours, c’est la hardiesse qui l’emporte, mais sache que rien n’est plus stupide que hardiesse creuse ; aussi tâche d’abord de garnir ton cerveau de jolies choses de qualité. Puis, va de l’avant sans crainte ; acquiers mérite substantiel, la hardiesse lui donnera éclat d’or fin et le fera valoir.

 

Sois aimable avec tous. Ton humeur est-elle aigre ? Alors ne fraye qu’avec tes pareils. Fais d’eux ton calmant ; prends femme grincheuse et valet renfrogné. Un trébucheur trébuche moins sur un chemin raboteux. Sois ton propre général en chef. Il connaît la vie celui-là qui marche en tête de ses passions. Ne saisis point les querelles au vol. Celui qui n’ose parler franchement et droit est lâche de deux façons. Ne crois pas que ton honneur se brisera à la moindre saccade ; montre par de grandes actions que tu peux en faire de petites et celles-ci ne les fais point. En ceci paraîtra ta sagesse et ta modération deviendra ornement.

 

Si ta réputation est compromise par des vétilles, sa trame est bien mince et faite d’imaginations malsaines. Mais l’honneur des grands capitaines était faite d’étoffe plus épaisse et capable de résister aux secousses. La sagesse choisit ses amis ; les civilités font le reste. Éviter à propos une futilité a l’approbation des meilleurs.

 

 

 

George HERBERT.

 

Traduit par Roger Asse1ineau.

 

Recueilli dans La poésie anglaise,

par Georges-Albert Astre,

Seghers, 1964.

 

 

 

 

 

 

 

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