Je suis un être intime

 

 

Je suis un être intime, un être où Dieu repose,

Ce monde où tout s’agite est étranger pour moi.

Je ne désire rien, possédant toutes choses,

Le Christ s’est fait mon frère ; il suffit à ma foi.

 

Mais pour lui rendre grâce, écoutez mon histoire :

Elle est un chant d’amour, un hymne à sa bonté.

Dans un humble foyer, aux rives de la Loire,

Je vins dans la douleur et dans la pauvreté.

 

Car ce même berceau conservait l’héritage

De trois aînés chéris, portant la même Croix !

« Enfant, que seras-tu ? » murmurait l’entourage,

« Tes yeux sont-ils ouverts, entends-tu notre voix ? »

 

« Ô parents bien-aimés, soyez forts dans l’épreuve.

L’enfant que vous bercez ne vous verra jamais.

Elle est un être intime, une âme toute neuve,

Pour vous c’est un mystère, attendez dans la paix. »

 

Je suis cet être intime où tout encore sommeille,

Ce monde qui m’entoure est étranger pour moi.

Bientôt, dans ma prison, un être me réveille.

Je vibre à ce contact. Mère, ah ! ce n’est plus toi !

 

Ma main te cherche en vain. Mon cœur dans la souffrance

Se révolte et t’appelle. Ah ! je ne comprends pas !

Plus sombre est ma prison, sans foi, sans espérance

Et sans le seul amour que je sache ici-bas.

 

Larnay ! Il te souvient de cet être débile

Qui méconnut longtemps ton amour surhumain.

Profonde était la nuit, la tâche difficile !

De ma triste prison tu trouvas le chemin…

 

Et mes fers sont tombés ! Me voici libre, reine,

Ne voyant rien du monde où tout est vanité.

L’avenir me sourit, car mon âme sereine

Sait que cet avenir sera l’Éternité !

 

Pourtant, je veux déjà chanter ma délivrance

Et rendre témoignage à mes bénis sauveur.

Retardez pour un temps, Seigneur, leur récompense.

Il est d’autres captifs que j’appelle mes sœurs.

 

Larnay, garde toujours ton audace divine.

Sans te lasser jamais redit ton Ephpheta !

Que ton sublime effort au monde qui décline

Dise ce cri de foi : « Le doigt de Dieu est là ! »

 

Mon cœur n’a pas tout dit. Daigne mon auditoire

Permettre que j’évoque un souvenir bien doux.

Ma sœur et sa Maîtresse ! Elles sont dans la gloire

Mais leur cœur est ici, redisant avec nous.

 

Que vos œuvres, Seigneur, ici se manifestent

Pour la gloire et l’honneur de votre nom très saint !

Nous sommes d’autres christs, nos douleurs vous l’attestent !

Mon Dieu, c’est pour un jour nouveau demain…

 

Encore un souvenir ! Mon cœur ne peut le taire.

Monsieur Arnould,  Larnay ! Peut-on les séparer ?

« Les Ames en prison » en cet anniversaire

Devant ces noms bénis reviennent s’incliner.

 

Le monde vous connaît, Monsieur, mais Dieu vous aime.

Vous l’avez reconnu dans l’âme du petit,

Vous l’avez découvert dans la misère extrême,

Il vous reconnaîtra : c’est Jésus qui le dit.

 

 

 

Marthe HEURTIN, jeune fille française

sourde-muette et aveugle,

éduquée par Sœur Sainte-Marguerite,

des Filles de la Sagesse de Larnay.

 

Recueilli dans :Jeanne Marie,

Ce bon Père, Monsieur de Larnay,

biographie 1802-1862,

suivi du Livre des Soeurs sourdes Oblates de la Sagesse, 1859-2009

(Éditions des Soeurs Oblates de la Sagesse).

 

 

Pour plus d'informations:

Jeanne Marie

Ce bon Père, Monsieur de Larnay

Monsieur de Larnay

 

 

 

 

 

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