Rose mystique

 

 

« La rose est un mystère » – mais où la trouve-t-on ?

Est-elle chose véritable, pousse-t-elle sur le sol ?

Elle fut faite de la substance de la terre, mais sortit des yeux de l’homme,

et son lieu est un lieu secret et clos dans les cieux.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        trouve-moi, ô ma Mère, une place près de toi.

 

Mois où était-elle autrefois ? Quel est le lieu

qui jadis en elle fut béni, bien qu’il ne le soit plus maintenant ?

C’est la terre de Galilée : elle poussa sur l’ordre de Dieu

et se fit jour en une fleur sur la colline de Nazareth.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        ô ma Mère, je contemplerai ta beauté.

 

Quelle était alors sa saison ? Il y a combien de temps ?

Quand fut l’été qui vit éclore le bouton ?

Deux mille ans presque ont passé

depuis sa naissance, sa floraison et son dernier parfum.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        avec toi, ô ma Mère, je me mettrai à l’unisson.

 

Dis-moi le nom maintenant, dis-moi son nom.

Le cœur devine aisément : est-il le même ?

La Vierge Marie, le cœur le sait bien,

c’est elle le mystère, c’est elle cette rose.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        chez toi, ô ma Mère, je viendrai habiter.

 

Marie est donc la rose ? Marie est donc la tige ?

Mais la fleur, la fleur, qui peut-elle être ?

Sa rose qui peut-elle être ? Un seul elle peut être,

Christ Jésus notre Seigneur, son Dieu et son Fils.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        montre-moi ton fils, Mère, ô ma Mère.

 

Quelle était la couleur de cette brillante fleur ?

Blanche pour commencer, d’un blanc immaculé.

Mais quelle rougeur sauvage à ses pétales s’attacha

quand la rose se fondit en filets empourprés le long du bois de la Croix.

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        avec toi, ô ma Mère, j’adorerai ses plaies.

 

Combien de feuilles avait-elle ? Elles étaient cinq alors,

cinq comme les sens et les membres des hommes ;

cinq est leur nombre par nature, mais à présent

elles se multiplient, elles se multiplient, – qui peut dire comme ?

        Dans les jardins de Dieu, dans la clarté divine,

        fais-moi une de tes feuilles, ô ma Mère.

 

Répand-elle aussi une agréable odeur en ce saint lieu ?

Vers Dieu parfum suave dont la douceur est la grâce,

son haleine baigne là-haut l’immensité des cieux

de la grâce qui est charité, de la grâce qui est amour.

        Sur ton cœur, dans ta paix, dans ta gloire divine,

        par la charité, ô ma Mère, attire-moi.

 

 

 

 

Gerard Manley HOPKINS, s. j.

 

Traduit de l’anglais par André Brémond.

 

Paru dans la revue Marie en mai-juin 1952.

 

 

 

 

 

 

 

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