Nocturne

 

 

                                                  À Virgile Rossel.

 

 

Poète, grand rêveur qui prolonges tes veilles,

Assis à ta fenêtre ou bien au coin du feu,

Le ciel va-t-il, un jour, t’expliquer ses merveilles ?

 

Sans doute il le fera, si, montant peu à peu,

Tu parviens à gravir avec une âme pure

L’ardente échelle d’or qui conduit jusqu’à Dieu.

 

Ton empire est immense autant que la nature,

Les accents de ton luth ont raison des humains :

L’on n’a jamais connu plus noble investiture,

 

Et tu suivrais encor les poussiéreux chemins

Où la foule s’empresse à la recherche vaine

Des voluptés sans joie et des faux lendemains !

 

Non. Lève tes regards vers la clarté sereine

Qui rayonne des cieux même au sein de la nuit ;

Les astres te diront la grandeur souveraine.

 

Contemple avec ton cœur, humblement et sans bruit,

Ces mondes flamboyants qui roulent sur nos têtes,

Ces mille astres nouveaux pour un astre détruit ;

 

Comme l’oiseau des mers au milieu des tempêtes,

Laisse aller ta pensée au fond des infinis,

Impose le silence à tous les faux prophètes.

 

Et si, selon tes vœux, tes efforts sont bénis,

Dis-nous que Galilée, et Newton, et Laplace,

N’étaient auprès de toi que de pauvres bannis ;

 

Car, dans l’immensité sans borne de l’espace.

Leurs yeux n’ont découvert, n’ont senti, chaque jour,

Que les œuvres de Dieu rayonnant par sa grâce,

 

Alors que tu fus seul à toucher son amour !

 

 

 

Fernand JABAS.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1892.

 

 

 

 

 

 

 

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