La révélation

 

 

 

Je suis revenu de la Bibliothèque Nationale ; j’ai déposé ma serviette ; j’ai cherché mes pantoufles et quand j’ai relevé la tête, il y avait quelqu’un sur le mur ! il y avait quelqu’un ! il y avait quelqu’un sur la tapisserie rouge. Ma chair est tombée par terre ! j’ai été déshabillé par la foudre ! Oh ! impérissable seconde ! oh ! vérité ! vérité ! larmes de la vérité ! joie de la vérité ! inoubliable vérité. Le Corps Céleste est sur le mur de la pauvre chambre ! Pourquoi, Seigneur ? Oh ! pardonnez-moi ! Il est dans un paysage, un paysage que j’ai dessiné jadis, mais Lui ! quelle beauté ! élégance et douceur ! Ses épaules, sa démarche ! Il a une robe de soie jaune et des parements bleus. Il se retourne et je vois cette face paisible et rayonnante. Six moines alors emportent dans la chambre un cadavre. Une femme, qui a des serpents autour des bras et des cheveux, est près de moi.

 

L’ANGE

 

Tu as vu Dieu, innocent ! tu ne comprends pas ton bonheur.

 

MOI

 

Pleurer ! pleurer ! je suis une pauvre bête humaine.

 

L’ANGE

 

Le démonest parti ! il reviendra.

 

MOI

 

Le démon ! oui !

 

L’ANGE

 

Intelligence.

 

MOI

 

Tu ne sais pas le bien que tu me fais.

 

L’ANGE

 

Nous t’aimons, paysan. Consulte-toi !

 

MOI

 

Ravissement ! Seigneur ! Je comprends, ah ! je comprends.

 

 

 

Max JACOB, La défense de Tartufe,

Gallimard, 1964.

 

 

 

 

 

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