L’âne était petit...

 

 

                                                       À Charles de Bordeu.

 

 

L’âne était petit et plein de pluie et tirait

la charrette qui avait passé la forêt.

La femme, sa petite fille, et le pauvre âne

faisaient leur devoir doux, puisque dans le village

ils vendaient pour le feu le bois des fruits du pin.

La femme et la petite fille auront du pain

qu’elles mangeront dans leur cuisine, ce soir,

près du feu que la chandelle rendra plus noir.

Voici Noël. Elles ont des figures douces

comme la pluie grise qui tombe sur la mousse.

L’âne doit être le même âne qu’à la crèche

qui regardait Jésus dans la nuit noire et fraîche :

car rien ne change et s’il n’y a pas d’étoile,

cette nuit, qui mène à Jésus les mages vieux,

c’est que cette comète au tremblement d’eau bleue

pleure la pluie. C’était aussi simple autrefois,

quand les anges chantaient dans la paille du toit ;

sans doute que les étoiles étaient des cierges

comme ceux qu’il y a aujourd’hui près des vierges

et, sans doute, comme aujourd’hui les gens sans or,

que Jésus, sa Mère et Joseph étaient des pauvres.

Il y a cependant nous autres qui changeons

si rien ne change. – Et ceux qu’aime bien le bon Dieu,

comme autrefois aussi sous l’étoile d’eau bleue,

c’est les ânes très doux aux oreilles bougeantes,

avec leurs jambes minces, roides et tremblantes,

et les paysannes douces et naïves du matin

qui vendent pour le feu le bois des fruits du pin.

 

 

 

Francis JAMMES.

 

Recueilli dans Noël en poésie,

Présenté par Claude Garda,

Gallimard, 1983.

 

 

 

 

 

 

 

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