Fragment de « Sur la côte bretonne »

 

 

Et maintenant, hélas ! toujours l’océan roule

Ses flots mystérieux vers les mêmes rochers ;

Et, parmi la bruyère et les menhirs penchés,

Ruine d’un autre âge, une chapelle croule.

 

Quel immense tombeau que ce pays d’Armor !

Chaque siècle, en fuyant, laisse une trace sombre ;

Et le temple du Christ, bientôt recouvert d’ombre,

Sera tel qu’un menhir d’un autre siècle mort.

 

Oh ! sinistres couchers des froids soleils d’automne !

Une lande toujours, toujours des flots géants.

Et, sépulcre pieux du plus grand des néants,

Cette tour en ruine où dort la Foi bretonne !

 

Les paysans qui vont par les profonds labours

Ne sont plus revêtus des costumes celtiques ;

On n’entend plus, dans l’air, les carillons mystiques

Qui, du haut des clochers, s’égrenaient sur les bourgs...

 

Et cependant, songeurs, sur le sable des grèves,

Derniers prêtres d’un peuple austère disparu,

Nous poursuivons encore, à l’horizon décru,

Cette forme du Dieu qu’enfantèrent nos rêves.

 

Et la chapelle est là, parmi les rochers sourds,

Évoquant aux regards de nos âmes moroses,

Hélas ! un deuil de plus, dans le grand deuil des choses,

Et des doutes nouveaux, dans le néant des jours !

 

 

 

Ludovic JAN.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1891.

 

 

 

 

 

 

 

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