Quand on n’attend plus rien

 

 

Ma peine est un chagrin, une vague détresse,

Mais je sens que si peu la pourrait consoler ;

Cela seul verse en moi, mélancolique ivresse,

La force de souffrir, de croire et d’espérer !

 

Quand notre cœur blessé secrètement s’épanche,

De mystiques amis semblent descendre en nous

Nous emportant si haut entre leurs ailes blanches,

Que souffrir semble un jeu, souffrir presque trop doux !

 

Ne demander plus rien aux êtres ni aux choses,

Les aimer pour les biens qu’ils nous avaient promis,

Garder toujours en soi la paix des soirs moroses,

Et verser la douceur qu’en notre âme ils ont mis.

 

Faiblesse des cœurs las, ou mieux force suprême

Contre le mal, lui seul, sache armer notre bras,

Quand on n’attend plus rien, on sait comment on aime,

Et la plus belle fleur s’ouvre alors sous nos pas !

 

 

 

J. JOANNARD.

 

Paru dans Les Causeries en 1927.

 

 

 

 

 

 

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