Le printemps du pauvre enfant

 

 

        Oh ! comme l’hiver était dur !

Combien j’ai vu souffrir ma courageuse mère !

Combien j’ai déploré, dans notre asile obscur,

        Mon impuissance et sa misère !

 

        Cependant nous avons vécu,

Nous avons traversé cette saison terrible ;

        Une providence visible

À nos pressants besoins chaque jour a pourvu.

 

Et voici, maintenant qu’a cessé la froidure,

        Voici revenir le printemps,

Et la douce chaleur et la fraîche verdure,

Nouveaux bienfaits de Dieu pour les pauvres enfants.

 

Soleil, dont la chaleur doucement me pénètre,

Que tu me fais plaisir, que tu nous fais de bien !

        Près de sa petite fenêtre,

Maman va se chauffer sans qu’il en coûte rien.

 

        Tes rayons sont pour tout le monde,

Tu n’exiges nul prix pour tes nombreux bienfaits,

Et tu verses les feux de ta clarté féconde

        Sur la cabane et le palais.

 

La commune fontaine, ouverte à l’indigence,

Ne présentera plus ses arides glaçons ;

        Librement nous y puiserons

Cette eau, premier besoin, qu’ignore l’opulence.

 

Que ce printemps nouveau nous promet de douceurs !

        Que j’aime ce naissant feuillage !

Le pauvre se console en dormant sons l’ombrage,

Bercé par le zéphyr, que parfument les fleurs.

 

        Et voici, près de ma croisée,

Les bons petits oiseaux qui vont faire leurs nids.

Ils ne me fuiront pas, car, la saison passée,

Alors qu’ils avaient faim, mon pain les a nourris.

 

        Il faut si peu pour satisfaire

Aux modestes besoins du petit passereau !

Tout pauvre que je suis, hélas ! dans ma misère,

J’avais encor de quoi secourir un oiseau.

 

Que grâce en soit rendue au Dieu de la nature,

        Qui veille sur tous ses enfants,

        Au Dieu qui donne la pâture

À l’insecte, au lion, aux faibles, aux puissants !

 

        Dieu, qui m’as conservé ma mère,

Dieu, qui m’as exaucé lorsque je t’ai prié,

Quand tu rends le printemps aux pauvres de la terre,

        Que ton nom soit glorifié !

 

 

 

Laurent de JUSSIEU.

 

Recueilli dans

Recueil gradué de poésies françaises,

par Frédéric Caumont, 1847.

 

 

 

 

 

 

 

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