Ô ma tristesse

 

 

Ô ma tristesse ! Les épaisses ténèbres s’accumulent et se couchent

Sur l’Occident lointain, pays des miracles sacrés.

Les astres d’autrefois pâlissent pour s’éteindre,

Et les meilleures d’entre les étoiles sont arrachées du ciel.

Que tu étais beau, Occident majestueux !

Que le monde tout entier, ployant le genou,

Et tout illuminé par sa haute gloire,

Est demeuré longtemps devant lui, humble et taciturne !

C’est là que nos yeux accueillaient le soleil de sagesse

Et que les comètes des combats orageux erraient dans la hauteur.

En silence, semblable à la lune, reine des nuits d’été,

L’amour y resplendissait dans sa beauté innocente ;

Là, les inspirations se fondaient en de vifs arcs-en-ciel,

Et la flamme vivante de la foi y versait des torrents de lumière...

Oh ! jamais depuis les premiers jours de la création,

La terre n’a vu devant elle astres aussi ardents !

Mais le siècle, hélas ! est passé et, sur l’Occident tout entier,

Un rideau mortuaire est tiré ! Les ténèbres y seront profondes...

Entends la voix du destin, ranime-toi dans un éclat nouveau,

Réveille-toi, Orient assoupi !...

 

 

 

Alexis KHOMIAKOV.

 

Recueilli dans Anthologie de la poésie russe

du XVIIIe siècle à nos jours, par Jacques Robert

et Emmanuel Rais, Bordas, 1947.

 

 

 

 

 

 

 

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