Les heures de l’inspiration

 

 

 

Je vous salue, heures silencieuses, que l’étoile du soir balance autour de mon front pour l’inspirer ! Oh ! ne fuyez point sans me bénir, sans me laisser quelques pensées divines !

 

À la porte du ciel, un esprit a parlé ainsi : « Hâtez-vous, heures saintes, qui dépassez si rarement les portes dorées des cieux, allez vers ce jeune homme,

 

« Qui chante à ses frères le Messie ; protégez-le de l’ombre bienfaisante de vos ailes, afin que, solitaire, il rêve l’éternité.

 

« L’œuvre que vous allez lui inspirer traversera tous les âges ; les hommes de tous les siècles l’entendront ; il élèvera leurs cœurs jusqu’à Dieu, et leur apprendra la vertu. »

 

Il dit : le retentissement de la voix de l’esprit a comme ébranlé tous mes os, et je me suis levé, comme si Dieu passait dans le tonnerre au-dessus de ma tête, et j’ai été saisi de surprise et de joie !

 

Que de ce lieu n’approche nul profane, nul chrétien même, s’il ne sent pas en lui le souffle prophétique ! Loin de moi, enfants de la poussière !

 

Pensées couronnées, qui trompez mille fous sans couronne, loin de moi : faites place à la vertu, noble, divine, à la meilleure amie des mortels !

 

Heures saintes, enveloppez des ombres de la nuit ma demeure silencieuse ; qu’elle soit impénétrable pour tous les hommes ; et, si mes amis les plus chers s’en approchaient, faites-leur signe doucement de s’éloigner.

 

Seulement, si Schmied, le favori des muses de Sion, vient pour me voir, qu’il entre... Mais, ô Schmied, ne m’entretiens que du jugement dernier, ou de ta digne sœur.

 

Elle est capable de nous comprendre et de nous juger : que tout ce qui dans nos chants n’a pas ému son cœur ne soit plus !... que ce qui l’a ému vive éternel !

 

Cela seul est digne d’attendrir les cœurs des chrétiens, et de fixer l’attention des anges qui viennent parfois visiter la terre.

 

 

Friedrich Gottlieb KLOPSTOCK.

 

Traduit de l'allemand par Gérard de Nerval.

 

 

 

 

 

 

 

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