La Vie

 

RYTHMES CONTEMPLATIFS

 

 

NOTE. Les poèmes suivants font partie d’une vaste œuvre cyclique qui doit embrasser poétiquement tous les aspects de la vie. Chaque poème aura la forme qu’on peut analyser ci-après, forme qui se réclame de la métrique traditionnelle, se plaît même à y ajouter des rigueurs, mais en répudie quand même les fétichismes. L’œuvre entière sera publiée en trois séries de quarante-huit morceaux, réunis douze à douze.

 

 

 

INTRODUCTION

 

                                            I

 

Je n’ai pas vu le ciel un jour et le saint Dieu.

Je n’ai pas vu la Vierge au fond du bleu des cieux.

J’ai vu des hommes noirs et des choses profanes.

Je n’ai pas vu, très haut, les choses diaphanes.

 

Je suis un mort entre les morts du bas enfer.

J’ai mon cœur dans l’angoisse et mes pieds dans les fers.

Dans les cachots d’en bas et dans l’abîme extrême,

Je ne suis pas vivant quand j’exhale mon thrêne.

 

Je subis un péché qui rend mon œil mauvais

Et couvre mon corps d’ombre et les pas que je fais.

J’ai menti par Satan dès avant que de naître,

Et j’ai perdu le don bienfaisant de connaître.

 

                                           II

 

Je veux chercher pourtant et désirer en haut.

Je veux me faire une aile à même ma misère.

Je veux me faire un ordre à même mon chaos

Et me faire un trésor au su du garnisaire.

 

Tel est mon rêve ancien depuis que j’ai quitté

Les bois pleins de repos où vit le jour ma race,

Les bois orientaux près de l’éternité

Et les jeunes ruisseaux où je buvais la grâce.

 

Je n’ai pas désappris tout à fait le bonheur,

Ni la beauté, ni le parfum des jours sans peine,

Ni l’air et le soleil où va le moissonneur,

Et je veux revenir de la douleur humaine.

 

                                          III

 

Je me souviens d’un arbre au centre du jardin

Et je n’ai pas dédain de la vigne vitale.

J’ai mémoire d’un mets très doux dans le matin

Et je garde à ma bouche un goût de cette table.

 

J’y porte donc mon cœur avant l’heure du soir.

J’y rappelle mon âme avant la nuit qui tombe.

J’y reporte ma marche avant que de m’asseoir

Et tout mon songe triste au couchant qui s’estompe.

 

Je veux revoir la vie au miroir des mots saints,

La scruter avec foi dans l’être entier qui passe,

Je veux toucher sa Source même, outre l’espace,

Dans le Lac immanent, mer d’ambre et de succin.

 

 

 

II. IL A DONNÉ AU FILS D’AVOIR LA VIE EN SOI

 

                                            I

 

QUI donc peut exister sans vouloir être bon ?

Qui donc peut être un bien sans vouloir être un don ?

Qui peut être vivant et vouloir être unique ?

Qui peut, gardant la vie, ne pas s’en croire inique ?

 

Ô Dieu, partage-toi en faisant un Pareil !

Divise-toi, Lumière, en un autre Soleil !

Partage en deux tes eaux, pleine mer d’existence !

Scinde en deux parts tes flots, océan de substance !

 

Afin que d’être Père, ô Dieu, fais-toi un Fils !

Sois multiple et meilleur dans ton sein où tu vis.

Fats un autre Toi-même aux dépens de ton Acte,

Un second existant selon l’essence exacte !

 

                                           II

 

FAIS-TOI un Fils, mon Dieu, dans tes profonds palais,

Pour te savoir Toi-même en le regardant naître,

Pour savoir sans douter ton grand cœur tel qu’il est.

Deviens Père, ô mon Dieu, afin de te connaître !

 

Pense dans ta maison, parle au fond de ton cœur.

Songe et dis-toi ton mot comme quand l’amour aime.

Répète-toi ton chant comme l’oiseau moqueur.

Exprime-toi, mon Dieu, dans un Verbe suprême !

 

Dédouble ton grand être en deux parts de grandeur.

Dédouble ton visage en deux fronts de bajoire.

Dédouble ta pensée en deux chants de splendeur,

Et dédouble ton âme en deux flammes de gloire !

 

                                          III

 

Ô MON DIEU, Celui-là qui sortira de Toi,

Ce grand Dieu filial que baisera ta bouche,

Ce grand Fils familier qui vivra sous ton toit,

Ce grand vivant de feu que vomira ta couche,

 

Fais-le bientôt de Toi comme un astre levant,

Comme je fais de moi mes neuf fils quatre filles,

Tous fourmillants et neufs comme un nid de couvent,

Tous bienheureux de joie comme un nid de famille.

 

Engendre-le bientôt dans l’Unigénité

Ton élu, ton égal, ton terme inexprimable,

Ton amical aîné, ton Enfant suraimable,

Engendre-le, mon Dieu, de toute éternité !

 

 

 

III. L’ESPRIT QUI PROCÈDE DU PÈRE

 

                                            I

 

Nous avons parlé haut pour enfanter le Verbe,

Pour mettre dans son jour le Bien-Aimé superbe.

Parlons moins haut, mon âme, et cessons tous nos bruits

Pour dire en vérité le baiser et le fruit.

 

Mon âme, écartons-nous et parlons en silence.

Car si nous avons vu la Source d’opulence

Et la fontaine de fontaine qui descend,

Nous n’avons pas tout vu du remous incessant.

 

Nous n’avons pas perçu l’ineffable rencontre.

Le jour la dit au jour et la nuit la raconte,

Et nous allons nous taire et la dire sans mots

Comme un berger du soir qui joue son chalumeau.

 

                                           II

 

Oui, c’est toi, ô Colombe entre les vignes mûres,

C’est toi, don multiforme entre les dieux féconds,

C’est toi que par des mots plus doux que des murmures,

Je chantonne à mon âme aux pentes d’Hélicon.

 

C’est toi, baiser des eaux dans la vie éternelle,

Que je rumine en moi sur un ton musical,

C’est toi, des bords brumeux de ma plage charnelle,

Que j’exprime en pleurant sur mon souffle vocal.

 

Car ton nom est l’Amour ! Et nul nom ne s’élève

Plus secret comme un son et comme une rumeur,

Comme un chant de la chair et de l’âme et des lèvres,

Et comme un rythme sourd et comme une stupeur.

 

                                          III

 

Ô Amour, viens des Deux comme un oiseau de fête !

La brise de l’éther se frôle à ton vol blanc.

Tout le soleil s’étend sur ta gorge parfaite,

Et l’espace se moire aux reflets de tes flancs.

 

Nais des Deux comme un jet des fontaines rejointes,

Quand l’écume déferle et s’évase au sommet ;

Puis retombe au lac d’or et que croulent les pointes,

Et que tout recommence où tout se consommait.

 

Nais des Deux, ô Amour, comme une touche extrême

Quand l’Être embrasse l’Être ! Amour, nais du seul nœud.

Sors comme un Dieu donné, ô ange lumineux,

Dans le choc de l’extase et l’onction du chrême !

 

 

 

IV. LA SAGESSE

 

                                            au R. P. Wilfrid Senécal

 

 

                                            I

 

En ce temps-là Dieu vivait seul comme un poète.

Il buvait seul son vin comme un anachorète.

Il était, comme un roi, celui qui donne et prend,

Et ne se lassait pas un seul jour d’être grand.

 

Il n’avait pas besoin de bouffons pour son rire.

Aucun griffon n’avait encor tenté son ire.

Et c’était le bon temps où, dans l’orbe azuré,

Ce haut monarque n’avait pas encor pleuré.

 

Lui suffisait en soi son jeu d’intelligence,

De son Fils premier-né la paix et l’allégeance,

Et ce Baiser vivant qui naît de leur regard

Et tout ce ciel d’amour qu’il vivait à l’écart.

 

                                           II

 

Un jour une enfant vint du plus loin des distances,

Une enfant de soleil, au teint bistre, au teint noir.

Elle envahit l’éther et les trois Subsistances,

Et les Trois s’arrêtaient sur leur lent promenoir.

 

Dieu la vit, Dieu se tint sans parler devant elle

Et sans se consulter et sans se prémunir.

Ah ! parfois le donjon du roi se démantèle

Sans qu’on ait pu lever le glaive pour punir !

 

L’enfant brune savait d’un cil de ses paupières

Ravir un roi, et d’un seul fil de ses cheveux.

D’un sourire elle eût fait chanter toutes les pierres.

D’un geste elle domptait le soleil et le feu.

 

                                          III

 

Et c’était la Sagesse. Le vil serpent rôde

Pour mordre. Elle s’insinuait pour assister.

La sale Salomé faisait danser Hérode.

Cette enfant s’amusait devant la Trinité.

 

Et Dieu l’admit au sein de sa propre harmonie

Avant d’avoir posé tout l’œuvre de ses mains.

Et l’enfant habitait la substance infinie

Mais ne méprisait point la maison des humains...

 

Ah ! l’on n’a jamais su, depuis l’ancienne époque,

Quelle était celle-là qui régit le chaos

Et qui crée à son tour dans l’ombre du Très-Haut

Et qui de terre en cieux rusait cette équivoque ! ...

 

 

 

VI. IL CRÉA L’HOMME

 

                                            I

 

Ayant fait pour toi le ciel et pour moi la terre,

Ayant créé les temps et les lieux solitaires,

Et tout cela très bon ne te ressemblait pas

Mais n’était qu’un semblant très lointain de tes pas :

 

Ayant fait cieux et terre et leur immense armée

Et l’œuvre des cinq jours énorme et renommée,

Les lumières des cieux, les poissons de la mer,

Le reptile et l’oiseau, le point d’or de Vesper ;

 

Mais rien de ces beautés ne révélait la tienne,

Rien de ces nouveautés ne décelait l’ancienne ;

Ayant créé durant cinq jours à pleines mains,

Ayant fait le soleil et l’urne de l’ormin :

 

                                           II

 

Tu m’aimas, Élohim, au seuil du jour sixième,

Et je n’existais pas parmi tous les vivants.

Et tu dis à tes Dieux : « Faisons celui que j’aime,

Et faisons-le semblable à nous comme un enfant. »

 

Peut-être pleurais-tu comme une aimable mère

Quand tu pris le néant du sable sur ton doigt,

Et que tu regardas vers ta forme primaire

Et que je fus soudain un être devant Toi !

 

Tu m’avais fait, mon Dieu, par ton intime Exemple,

Et par ton Souffle intime et par ton propre Sein.

Et j’étais devenu l’être qui te ressemble :

J’existais, je pensais, et j’avais mon dessein.

 

                                          III

 

Ô mon Dieu, j’éclatais dans cette transfigure,

Et tu m’aimais sur toi comme un enfant très bon.

Et rien n’avait encor rendu ma face obscure,

Et j’étais comme un Christ de neige sur le mont !

 

Tu me pressais longtemps sur ton cœur trinitaire ;

Vous m’appeliez sous votre tente pour me voir ;

Tu me disais l’extrémité de ton mystère,

Et j’avais tout pour moi, l’amour et le savoir.

 

Ô Seigneur, est-il vrai que j’aie pu ce dommage,

Que j’aie sombré dans ce désastre et ce remords,

Et que j’aie recherché la face de la mort,

Ô Toi qui m’avais fait un jour à ton image ?

 

 

 

VII. FAISONS-LUI UNE AIDE

 

                                            I

 

Dieu donc prit son repos d’avoir fait tant d’étoiles,

Tous les lacs bleus, et l’Arachné tissant sa toile,

Et tout l’essentiel : terre et eau, air et feu,

Et comme un roi de tout, l’homme qui pense et veut.

 

Il fit un grand dimanche heureux dessous sa tente.

Ou bien il reposa sa fatigue contente

En marchant un long tour des immenses jardins

Tels qu’ils luisaient dans la splendeur de ces matins.

 

Peut-être emmenait-il son adam dans ces rondes,

Et que je vins m’asseoir, près du torrent qui gronde,

Ou sous les fleurs du premier des pruniers en fleurs,

Jouxte mon Père entre des chœurs d’oiseaux siffleurs !

 

                                           II

 

Mais Dieu qui n’est pas seul plaignait son fils cet homme.

Lui Dieu dans tous les temps avait eu son Égal.

Et l’amour est meilleur quand de pair il se donne,

Et le don plus donné quand il est conjugal.

 

Dieu peut-il défaillir au poème des choses ?

Il sentait que son fils l’eût désiré moins grand.

Dieu peut-il être à court de façons et de causes ?

Il songeait incertain au bord de ce torrent.

 

Peut-être une colombe ou quelque libellule

Poursuivie frôla-t-elle l’arbre constellé,

Selon que va l’anneau vital et la cellule

Et qu’entre trois amours le nœud d’or est scellé...

 

                                          III

 

Dieu parlait en lui-même à son Verbe de grâce,

Et leurs mots multiplient l’Esprit-Saint leur enfant.

Et c’est leur charité qu’on retrouve à la trace

Dans tout ce qui fait sourdre un vivant de vivant.

 

Le Seigneur reposé fit une œuvre très grande.

Il avait consulté son conseil et ses lois,

Et sa très longue histoire et sa longue légende,

Et le canon ouvert de ses puissants exploits.

 

Il déchira, la nuit, le sein de l’homme mâle

Et des os et des chairs il fit l’être jumeau,

Et lorsqu’à l’aube Adam s’éveilla sous l’ormeau,

Il tenait sur son cœur l’Épouse pure et pâle.

 

 

 

XVIII. PRENDS TON FILS ET OFFRE-LE

 

                                            I

 

« Je te multiplierai comme un sable vivant.

Jamais homme qui vit n’aura eu tant d’enfants.

C’est mon serment que moi Yahweh je te dévoile :

Je te multiplierai comme un sable d’étoiles. »

 

Abram, l’ami de Dieu, entendit cette voix,

Et dieu l’entretenait pour la première fois.

C’était avant qu’il vînt vers la vallée illustre,

Sous le chêne, à Moré, près des terres palustres.

 

Or sa femme était belle ainsi qu’un palmier d’or,

Ainsi qu’un enfant blond qu’on choie et qu’on endort,

Ainsi qu’auprès du roi une jeune princesse

Dans ses longs parements d’honneur et de sagesse.

 

                                           II

 

Et Dieu faisait souffrir son ami qu’il aimait.

Il le voulait pour père d’une multitude

Et pour père d’un Seul qui rayonne au sommet.

Il le faisait languir dans une solitude.

 

Car l’homme n’a rien fait de ce qui germe et vit

Et l’homme, de son cru, est sans levain et vide,

Et l’homme veut savoir d’avance par défi

Et se suffire à soi par un désir perfide.

 

Il voudrait voir sa foi sans se fermer les yeux

Et sans mourir en soi être à l’autre une vie,

Être assez haut en soi pour faire ombrage aux cieux,

Et si grand près des dieux qu’il leur en fasse envie !

 

                                          III

 

Trop belle était Sara près d’Abraham trop grand,

Et jusques à cent ans leur lit en fut stérile.

Et c’est ainsi que Dieu riait de son Abram

Par ce serment caduc et ce pacte scurrile.

 

Quand tout leur cœur est cru Saraï enfanta.

Et ces vieillards pâmaient auprès du berceau tendre.

Et Dieu, les voyant doux, de nouveau les tenta,

Et Dieu les fit mourir puisqu’ils savaient attendre.

 

Et quand ce patriarche, en ces jours effrayants,

Eut immolé son fils au plus haut des montagnes,

Et qu’il redescendit, le soir, dans les campagnes,

Triste, c’était bien lui le Père des croyants.

 

 

 

XX. JACOB ET RACHEL

 

                                            I

 

Ô mon frère Jacob, ô rêveur du grand songe,

Commets bien tous tes vols, dis bien tous tes mensonges.

Vole l’aînesse avec ton potage et ton pain.

Trompe le père avec ce poil faux sur tes mains.

 

Tout est ton droit : tu es le plus près de l’étoile.

Complote avec ta mère aimable auprès du poêle.

Ris de l’aîné mangeur, et chasseur, et velu :

Toi tu es lisse et sobre, ô tenant du salut !

 

Toi tu es le béni et le père des Douze.

Laisse l’autre à ses bœufs, à ses boucs, à ses bouses.

Toi, reste dans ta tente, enfant contemplateur.

Toi, mors l’autre au talon, hardi supplantateur !

 

                                           II

 

Tout s’arrache et s’obtient par ruse ou violence,

Tu le sais bien des fois au royaume d’amour.

Toute ville s’y prend par le siège ou la lance,

Et le même fracas t’ouvre un plus humble bourg...

 

Il part, au temps prédit, le prince de lignée,

Odorant, tout rempli de la sève des rois.

Il se joue à plaisir de la race indignée ;

Il va couvert de grâce et chef des anciens droits.

 

Il va bon pas, il monte vers son astre, il marche

Vers son airelle bleue aux champs dorés d’Aram !

Il va vers sa Rachel, le plus beau patriarche,

Plus blessé qu’Isaac, plus royal qu’Abraham !

 

                                          III

 

Et la beauté s’accroît chaque jour sur la route.

Et là-bas chez Laban, celle qui paraîtra,

Celle qui vient aux eaux, est plus belle que toutes.

Et c’est dans ce miroir qu’il la reconnaîtra !

 

Ah ! elle se fardait dans l’ombre pour l’attendre,

Dépouillant les meilleurs d’un rayon nonpareil,

Saraï du front fier, Rébecca du cœur tendre !

Et tout vous revenait, germaine du soleil !

 

Il arrive, il la voit au puits de prophétie.

Il parle, il pleure, il l’aime aux rosées du geyser.

Il la baise en pleurant sur sa bouche de chair,

Et c’est de ce baiser que naît le saint Messie...

 

 

 

XXV. LA MÈRE DES VIVANTS

 

                                            I

 

Quand le temps fut venu de cette Ève si belle,

De cette Femme qui nous fait le Dieu de chair,

Elle partit la nuit pour sa noire chapelle,

Pour sa caverne froide aux portes du désert.

 

Du ciel des cieux filait un léger brin de neige.

Une étoile luisait comme aux jours de Jacob.

L’essaim des anges bleus ménageait un manège,

Joseph était plus beau que les filles de Job.

 

Les pèlerins trouvèrent là le bœuf et l’âne.

Ces animaux priaient comme des moines bruns.

Et la pierre priait, et l’air où l’Esprit plane,

Et le buisson de lys, et le cœur du nerprun.

 

                                           II

 

Marie ne pleura pas en ouvrant cette chambre.

Elle ne pleura pas du grand froid de décembre,

De l’antre de ténèbre où l’on marche à tâtons,

De la tanière nue, du plus grand abandon.

 

Elle chantait Noël dans son sein plein de grâce.

Elle disait : « Envers Abraham et sa race,

Voilà donc que tu te souviens, Père pieux ! »

Elle chantait gaiement en l’endroit scabieux.

 

Elle pria longtemps mains jointes dans la grotte,

Au milieu du bétail, du gel et de la crotte.

Elle pleurait comme une mère sur nos maux.

Longtemps elle pria parmi les animaux.

 

                                          III

 

Puis les cloches d’en haut sonnèrent cette messe.

Le firmament frémit comme un temple ébranlé.

Les trompettes d’en haut tonnèrent la promesse.

L’enfer dément gémit comme un monde écroulé.

 

Mais partout au dehors les troupeaux qu’on fait paître,

Les laineuses brebis, les petits des moutons,

Sentant bien qu’un enfant de berger allait naître,

Sautaient de joie comme une danse de santons.

 

Alors, au jour des temps nouveaux, la Femme heureuse,

La stérile, la femme laissée sans enfants,

Au sommet des vieux temps, la Femme généreuse,

Sur le minuit, mit au monde tous les vivants.

 

 

 

Gustave LAMARCHE, c. s v.

 

Paru dans Gants du ciel en juin 1945.

 

 

 

 

 

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