Le geste qu’ils font

 

 

Dans la campagne de chez nous, dans une vieille maison de pierre grise,

Il y a toute une nichée de petits garçons et petites filles.

Ils vivent de la terre. Leurs bras frêles et ambrés travaillent déjà pour elle.

Comme tous les enfants de leur âge, ils chantent, ils crient, ils rient.

Comme tous les enfants du rang, ils suivent la route poudreuse :

La route succulente, bordée de pommetiers, qui finit à l’école blanche et verte.

Tout cela est bien ordinaire : simple comme le paysage de chez nous.

Pourtant, cette nichée de beaux enfants me captive, m’édifie,

Car ils font un geste qui ne se fait plus, un geste saint.

À l’heure où la soupe fumante sollicite les bouches affamées :

Graves, solennels, sous le regard attentif de la maman,

Les yeux tournés vers la croix de bois noir, simple comme le geste des enfants,

Les petiots récitent, avec entrain, le Benedicite, la prière des jours anciens.

Et pour eux, garçons et filles de la maison de pierre grise,

Ce geste, cette prière, matin, midi et soir, est un rite sacré,

Une chose sainte, pour toute la vie...

Je la trouve édifiante cette nichée de beaux enfants campagnards.

Ignorant le faux orgueil de l’esprit, suivant la mode du bon Dieu.

Leur âme droite, comme la route bordée de pommetiers.

Suit le sillon des ancêtres, de ces bonnes gens de chez nous.

Heureux par le signe de la croix : à l’ombre de la croix.

 

 

 

Jeanne L’ARCHEVÊQUE-DUGUAY, Nicolet, 13 septembre 1934.

 

Paru dans Familia en septembre 1934.

 

 

 

 

 

 

 

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