L’amour au pays

 

 

Dans une autre vallée, ou sur une autre grève,

Plutôt que follement l’aller au loin chercher,

Heureux qui sut choisir l’épouse de son rêve,

Et demeurer près d’elle, à l’ombre du clocher !

 

Car si la fleur d’amour en tout climat rayonne,

Si l’on peut en tous lieux cueillir ce lys divin,

L’air natal nous le rend plus suave, et lui donne

Des arômes, qu’ailleurs on lui voudrait en vain.

 

Au pays seulement, traditions, croyances,

Sont les mêmes toujours pour tous et pour chacun ;

Là, les cœurs, fécondés par les mêmes semences,

Battent tous, embaumés d’un semblable parfum.

 

– Or, c’est sous notre ciel, caressé par nos brises,

Frère, que tu connus l’ivresse des aveux,

Et c’est le carillon d’une de nos églises

Qui fête enfin le jour, objet de tous tes vœux.

 

Mais aussi, la voyant si touchante et si belle,

Celle que pour jamais Dieu t’accorde aujourd’hui,

C’est le pays encor que tu chéris en elle,

Et c’est elle, ô douceur ! qui te sourit en lui...

 

Sur les tombeaux des tiens, demain, riante offrande,

Tu vas la voir poser, d’une pieuse main,

Une rose, ravie à sa pure guirlande,

Quelque rameau neigeux de son bouquet d’hymen ;

 

Cependant qu’à ton tour, sans franchir l’humble enceinte,

Pensif, à ses aïeux, toi, leur nouvel enfant,

Tu t’en iras porter une promesse sainte,

Mêlée à l’hosanna de ton cœur triomphant...

 

– Lors, pour les bords fameux n’ayant qu’indifférence,

Fidèles au terroir, vous n’irez pas plus loin :

De vos premiers serments, il eut la confidence,

De vos premiers baisers, qu’il soit aussi témoin !

 

Et vous ferez ainsi le plus beau des voyages

Le long de notre mer, par nos bois et nos prés,

Courant sans trêve, à deux, ces plaines, ces rivages,

Qui vous apparaîtront comme transfigurés.

 

Frères, et c’est ici. dans notre solitude,

Devant nos verts coteaux, sous notre ciel béni,

Ici que, pour l’amour, la famille et l’étude,

Vous allez, radieux, élire votre nid.

 

Ô charme des foyers qui, le soir, réunissent,

Prés des époux nouveaux, les vieux parents rêveurs !

Ô l’ineffable accord des âmes où fleurissent

Les mêmes amitiés et les mêmes ferveurs !

 

Parmi nous, vos aînés, heureux de votre joie,

Ainsi vous allez vivre, aimants, simples et doux,

Et tels vous marcherez jusqu’au bout de la voie,

Faisant de vos enfants des croyants comme vous ;

 

Et bénissant tous deux le solde notre race,

Ce sol, où le bonheur sous vos pas a germé,

Riant comme les fleurs qui parent sa surface,

Et fort comme le fer dans son sein renfermé.

 

 

 

Gaston de LA SOURCE.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1896.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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