Repentir

 

 

Quelques amis m’ont dit : « Laisse là ta tristesse ;

« Pourquoi pleurer toujours ? La coupe de l’ivresse

« Nous verse des plaisirs qui te sont inconnus ;

« Viens chanter avec nous de folles bacchanales,

« Laisse là tes amours, sylphides idéales

            « Qui ne valent pas deux seins nus !

 

« Viens presser sur ton cœur une belle maîtresse

« Endors-toi dans ses bras, sous sa molle caresse

             « Rêvant de volupté

« Laisse vivre ton corps et sommeiller ton âme.

« Ne demande plus rien aux lèvres d’une femme

             « Qu’un baiser velouté !

 

« Va ! ne regarde plus, quand la nuit tend son voile,

« Trembler au firmament le regard d’une étoile.

« Les yeux noirs, les yeux bleus ont des rayons plus doux ;

« Brise si tu nous crois la lyre des poètes

« Et viens, joyeux convive, assister à nos fêtes,

             « Chanter et rire comme nous. »

 

Un instant je les crus et, débauché vulgaire,

Je pris pour du bonheur la boueuse matière,

            Les vices éhontés,

Je descendis plus bas que ne descend la foule

Dans ce gouffre béant où clapote la houle

            Des pâles voluptés.

 

Mais, j’ai pris en pitié vos plaisirs et leurs charmes ;

Oui ! sachez-le bien tous, je préfère mes larmes

À vos baisers glacés, à vos rires nerveux ;

Je suis un exilé rêvant à sa patrie

Qu’il aperçoit le soir lumineuse et fleurie

            Quand il regarde aux cieux.

 

Car notre âme, voyez, c’est un ange qui tombe,

Sa vie est un enfer, le paradis sa tombe.

            La Mort c’est le bonheur.

C’est elle qui du ciel nous ouvre les portiques

Et qui mêle nos voix aux éternels cantiques

            Chantés au Dieu-Sauveur.

 

 

 

Albert LAURENT.

 

Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.

 

 

 

 

 

 

 

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