PRÈS D’UNE TOMBE

 

 

Hélas ! nul n’entend plus sa parole si douce,

Sa voix n’a plus d’écho que dans mes souvenirs ;

Aux pieds d’une humble croix elle dort sous la mousse

Insensible à mes pleurs et sourde à mes soupirs.

 

Ô mère, l’avenir était si large encore !

Tout souriait pour toi, le ciel semblait si pur ;

Voit-on la fleur mourir quand rayonne l’aurore ?

Pourquoi Dieu cueille-t-il un fruit qui n’est pas mûr ?

 

Mystères d’au-delà, secrets que la science

N’a jamais dévoilés à l’orgueilleux mortel !...

Qu’est l’homme en sa douleur s’il n’a point l’espérance,

S’il ne sait point lever ses regards vers le ciel !

 

À ce tombeau lointain qui cache sa dépouille

Mon rêve bien des fois me trouve l’œil en pleurs,

Et sur l’épais gazon, pensif, je m’agenouille...

Ma mère n’est pas là... non, elle vit ailleurs !...

 

Ces débris, ces lambeaux, cette obscure poussière

Où rampe loin du jour des insectes sans nom,

Oh ! non, ce n’est pas toi ! ce n’est pas toi, ma mère !

Ces lambeaux, ces débris n’étaient que ta prison !

 

Mais toi, ce qui fut toi, l’âme, source de vie,

Cette âme qu’on voyait luire dans tes yeux bleus,

Cette âme qui rêvait d’une gloire infinie

Sur l’aile du trépas s’envola jusqu’aux cieux...

 

Il le faut ce bonheur entrevu dans nos rêves ;

Dieu serait trop cruel d’oser nous le ravir !...

Prends courage, exilé ! les heures sont si brèves !

Tu mourras !... mais souris ! mourir n’est pas mourir !

 

C’est vivre ; c’est voler au repos, à la gloire,

Se nourrir de prière et d’extase et d’amour,

Pendant l’éternité savourer sa victoire ;

La mort est au chrétien l’aurore d’un beau jour.

 

Qu’ils passent, ces railleurs, prophètes infidèles,

Qui pour prix de nos maux promettent le néant !

Plus haut ! montons plus haut ! la foi donne des ailes,

Enfants d’un Dieu-martyr, notre essor est plus grand !

 

Ô ma mère ! à genoux près de ton mausolée,

Je veux pleurer encor sur tes restes chéris.

Mais là-haut, dans l’azur de la voûte étoilée,

Je sais que tu m’attends et que tu me bénis.

 

 

 

                                                               Joseph LAU.

 

                                     Paru dans La Sylphide en 1898.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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