Éloge de Dante

 

 

 

Fugitives des bosquets de lauriers de la Grèce, les Muses, dans leur exil éternel, ne voulurent point d'autre asile que l'Italie ; et quand Rome subit l'outrage encore impuni, effrayées des hurlements des Barbares, elles se turent, il est vrai, mais sans abandonner cette reine déchue et toujours aimée, jusqu'au moment où, de l'union fatale, naquit pour de saintes destinées la poésie italienne, vierge immaculée, admirable, adorée. C'est toi qui le premier, la parant du bandeau et de la blanche tunique, la conduisit aux sources non encore effleurées ; c'est toi qui dans l'art des stances sacrées lui enseigna à égaler sa mère, toi, divin Alighieri, maître souverain de la colère et du sourire.

 

Le monde languissait dans les ténèbres, tu brillas seul, ô notre poète ! tel, à l'heure où le soleil envoie son premier regard à la terre veuve de sa splendeur, tandis que la vallée l'ignore et est loin encore de s'abreuver de la vivifiante lumière, le mont s'enorgueillit déjà du rayon matinal qui commence à dorer sa cime.

 

 

Alessandro MANZONI.

 

 

 

 

 

 

 

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