La femme et le progrès

 

 

 

 

 

par

 

 

 

 

 

MARJOLAINE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je ne veux pas être retardataire, ni poser en grief les fantaisies qu’on tolère aujourd’hui dans nos mœurs. Mais je crois qu’une trop grande liberté dépasserait la mesure et exposerait à de sévères représailles.

Il y a ici, au pays, un souffle d’idéal qui pousse nos généreuses Canadiennes vers la lumière et vers la beauté. Elles ont vraiment la fierté nationale, héritage précieux dont elles se parent avec orgueil. Et pour conserver cette fierté, pour l’enraciner dans les cœurs, elles doivent dégager la grandeur de leur mission de l’enchevêtrement des exigences du snobisme.

Car, comme le disait Paul Janet : « La femme introduit dans l’intérieur du ménage ce qui est sa nature même : le goût, la grâce et l’élégance. » Alors, tout en suivant le progrès, elle doit d’abord rester femme, c’est-à-dire en garder jalousement la gracieuseté et le charme poétique, ce qui ne s’accorde guère avec les caprices extravagants de la mode.

On parle souvent du passé qui a couronné nos grand’mères de la gloire immortelle du devoir accompli dans sa plénitude, et qui nous a laissé des souvenirs touchants de ces temps où la femme était la digne reine de son royaume. Nous savons que la paix de leur foyer entourait nos mères d’une atmosphère de sérénité, d’amabilité et de respect ; et qu’en se désagrégeant lentement, la grandeur simple de ce bonheur familial a ajouté, aux fronts de nos aïeules, sur lesquels brillaient déjà leur justice, leur indulgence et leur bon sens, un exquis reflet de gloire.

Leur vie d’activés ménagères et d’excellentes maîtresses de maison a légué à notre souvenir le luxe des vastes armoires au linge blanc et parfumé ; le bruit du rouet filant le lin et le chanvre et la silhouette de la huche où se pétrissait le pain.

La tradition a sculpté dans la pierre du passé de notre histoire ces figures d’une beauté grave qui font notre orgueil. Elle les a gravées sur l’écorce de nos érables et les a incrustées dans le cœur même de notre race. Elle les a attachées au progrès qui a conduit la femme vers le rôle brillant, destiné à doubler sa mission en lui assignant un nouveau devoir social, comme si l’épanouissement de son bonheur, au foyer domestique, avait exigé un complément.

Le passé offre donc à la femme des traditions précieuses qui doivent rester étroitement unies aux importantes réformes modernes, et qui nous imposent l’obligation de laisser guider notre vie par l’humble étoile lointaine, mais si pure, de ce temps.

Si, de nos jours, la femme doit approfondir son instruction ; si on a élargi le cercle de ses actions, si elle est appelée à apporter aux œuvres sociales le secours de son infatigable activité ; si le pays réclame son énergie, sa vaillance et son appui, en participant à ces mouvements, en répondant à ces besoins, elle a assumé une double responsabilité : celle de la direction intelligente de sa vie, et celle, encore plus sérieuse, du bonheur de son foyer.

 

 

MARJOLAINE, Gerbes d’automne, 1928.

 

 

 

 

 

 

 

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