L’église des blés

 

 

                              I

 

Les champs sont beaux. Voici le moment de l’été

Où les blés, dépouillant l’humble forme de l’herbe,

Révèlent leur noblesse et leur fécondité.

 

Dans leur verdure jeune, ils sont déjà superbes,

Et portent comme un chef couronné de rayons

L’épi nouveau promis aux splendeurs de la gerbe.

 

L’église est au milieu des blés. Que de sillons,

Depuis qu’elle se dresse au centre de la plaine,

Ont creusé sous ses murs les générations !

 

Combien de laboureurs, succombés à la peine,

Ont quitté, pour le champ qu’on ne laboure pas,

Les champs où frissonnait la récolte prochaine !

 

Et d’autres sont venus, et, les pas dans leurs pas,

Ont levé les épis pères d’autres semences,

En attendant leur tour de s’en aller là-bas.

 

Or, sachant que la mort n’est rien qu’une apparence,

Sûre que si les blés ont l’immortalité,

Les hommes, qu’ils auront nourris de leur substance,

 

Doivent renaître aussi dans l’éternel été,

L’église, souriant à la moisson nouvelle,

Attend dans la prière et la sérénité

 

La résurrection des morts couchés près d’elle.

 

 

                              II

 

Hosannah sur les blés ! Voici la Fête-Dieu,

Et la procession marche sous le ciel bleu.

 

Le soleil est encor très haut. Il est trois heures.

Des draps blancs sont tendus aux portes des demeures.

 

Les terres, cette année, ont de si beaux froments

Qu’ils empêchent de voir les hommes par moments,

 

Et que les saints patrons brodés sur les bannières

Ont l’air de cheminer tout seuls dans la lumière.

 

Quatre grands paysans, vétérans des labours,

Soutiennent le dais d’or qui tangue à leurs pas lourds ;

 

L’ostensoir que le prêtre appuie à sa poitrine

Comme un autre soleil vers le soleil chemine.

 

Des enfants bruns, vêtus d’écarlate et de blanc,

D’encensoirs balancés embaument l’air brûlant ;

 

D’autres, qui ont les mains encor toutes petites,

Jettent des roses, des bluets, des marguerites...

 

Et du même gosier, robuste et rocailleux,

Dont ils chantaient, hier, en marchant près des bœufs,

 

Des chantres laboureurs disent, sans la comprendre,

La louange du Sacrement splendide et tendre.

 

 

 

Louis MERCIER.

 

 

 

 

 

 

 

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