La croix sur le pain

 

 

Des usages que m’ont légués mes chers aïeux,

Il en est un, mes fils, à mon cœur précieux ;

C’est le signe de croix que tout bon chrétien trace

En entamant le pain qui fait forte sa race.

 

Il dit, ce geste saint : merci ! Dieu juste et bon,

Qui fais pour mes petits mûrir ton froment blond ;

Pour que de ces bontés mon cher foyer soit digne,

Je veux, prenant ce pain, le marquer de ton signe.

 

Comme on te met souvent, ô croix, avec amour,

Ici sur des berceaux, là dans un carrefour,

Je veux te voir régner, tendre et lumineux gage,

Sur l’aliment divin qu’à l’instant je partage.

 

Oui, ce geste entend dire au Créateur : merci,

Et puis au laboureur, à l’artisan aussi,

Qui tous deux ont peiné pour que ce bon pain naisse,

Et pour que des petits l’ardente faim s’apaise.

 

Je trace sur ton flanc, ô mon bon pain doré,

De la divine croix le dessin vénéré,

Et sachant bien, hélas ! les faibles que nous sommes,

Au signe du pardon je t’unis, pain des hommes.

 

Mes enfants, gardez bien, lorsque vous serez grands,

Parmi tant d’autres soins ou pieux ou touchants,

Cette tradition qui toujours me fut chère,

Et signant votre pain, songez à votre père.

 

Gagnez-le, mes petits, par d’honnêtes travaux,

Par des moyens toujours et très droits et très hauts,

Et, du bon signe aidé de Celui qui pardonne,

Le pain sera léger que sa bonté vous donne.

 

 

 

Louis MIRAULT.

 

Recueilli dans Poètes de la famille au XXe siècle, Casterman.