Accours, peuple fidèle...

 

 

Accours, accours, peuple fidèle,

Vers le berceau de ton Sauveur,

Puisque sa voix douce t’appelle

Peuple, accours pour lui rendre honneur !

 

Laboureur quitte ta charrue,

Pâtre abandonne ton troupeau ;

Quelle multitude accourue

Des cités, des champs, du hameau !

 

Terre, tressaille d’allégresse,

Ciel, couvre-toi d’étoiles d’or,

Ô cœurs, exhalez votre ivresse

Dieu vous donne son saint trésor.

 

Empressez-vous comme les mages

Remplis d’un transport triomphant,

Apportez aussi vos hommages

Aux pieds de ce royal enfant.

 

Dans cette crèche c’est Dieu même,

Lui qui remplit l’immensité

Des splendeurs de son diadème

Rayonnant d’immortalité.

 

Lui dont l’éternelle puissance

Jeta sur la création

Ce manteau de magnificence

Qui fait votre admiration.

 

Lui qui conserve la nature,

Aujourd’hui comme aux premiers jours,

Et qui sur toute créature,

Père tendre, veille toujours.

 

Accours, accours, peuple fidèle,

Vers le berceau de ton Sauveur ;

Puisque sa voix douce t’appelle,

Peuple, accours pour lui rendre honneur !

 

Eh quoi ! dans ce lieu misérable

Descendrait ta Divinité ?

C’est que ce Sauveur adorable

Nous enseigne l’humilité.

 

Il se place au rang où nous sommes,

Et nous montre qu’un vain savoir

Qui d’orgueil enivre les hommes

Est un spectacle triste à voir.

 

Que l’homme passe comme l’herbe

Que le faucheur foule du pied,

Qu’une ridicule superbe

Doit plutôt nous faire pitié.

 

Eh quoi ! sur cette triste terre

Pourquoi descendre ? – Pour souffrir,

Être persécuté, se taire,

Sauver des ingrats et mourir !

 

Au lieu d’un pompeux diadème,

D’un palais au riche décor,

Des insignes du rang suprême,

Et des splendeurs de pourpre et d’or.

 

Dans cette enceinte retirée,

Au milieu de l’obscurité

Pourquoi revêtir la livrée

Si triste de la pauvreté ?

 

C’est qu’on trouve un écueil funeste

Dans la richesse et la grandeur,

Et que dans un état modeste

Se trouve plutôt le bonheur.

 

C’est que ce que l’on nomme gloire

N’est qu’un fantôme décevant,

Une vision dérisoire,

Un bruit vain qu’emporte le vent.

 

Vivre et mourir dans la souffrance,

D’un Dieu peut-il être le sort ?

Il a voulu que l’espérance

Nous suivit jusque dans la mort.

 

Que de sa noble destinée,

Par le bonheur de ces bas lieux,

L’âme ne fût pas détournée

Car sa demeure est dans les cieux.

 

Dans le travail et la prière

Jésus passera-t-il ses jours ?

Ce sera l’existence entière

Du Roi des célestes séjours.

 

Et par son sanglant sacrifice

Qui sauvera l’humanité,

Il désarmera la justice

Du ciel justement irrité.

 

Accours, accours, peuple fidèle,

Vers le berceau de ton Sauveur ;

Puisque la voix du ciel t’appelle

Peuple, accours pour lui rendre honneur !

 

Enfant que l’univers contemple,

Honneur de ce globe mortel,

Cette étable est pour nous un temple

Et ta crèche un auguste autel.

 

Couché dans tes modestes langes

Tu dépasses les fronts royaux,

Et dans le ciel la main des anges

Te dresse des arcs triomphaux.

 

Tu viens nous donner l’héritage

Que Dieu promit à nos aïeux.

Le ciel devient notre partage

Par la grâce du Roi des cieux.

 

Ô Jésus, ta sainte présence

Comble nos plus ardents désirs.

Dieu nous regarde en sa clémence

Et répond à tous nos soupirs.

 

Tu quittes ta splendeur suprême

Pour rendre l’homme triomphant,

Pour l’élever jusqu’à toi-même

Tu t’abaisses à son néant.

 

Ton saint nom de paix et de gloire

Est un talisman précieux.

C’est le clairon de la victoire,

Il ouvre les portes des cieux.

 

Accours, accours, peuple fidèle,

Vers le berceau de ton Sauveur ;

Puisque sa douce voix t’appelle

Peuple, accours pour lui rendre honneur !

 

 

 

Alfred MONTVAILLANT,

Roses de Saron, 1905.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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