La vie familiale aux champs

 

 

(Le père de l’enfant prodigue à son fils)

 

 

C’est ici la maison des vertus domestiques,

On y vit sous la loi des errements antiques.

Aux enfants d’Abraham, Dieu donna ce pays

Pour le bien cultiver et, sans être éblouis

Par les fausses beautés du païen idolâtre,

Ici le feu sacré s’allume au feu de l’âtre.

Le Juste y croît ainsi qu’un palmier du Liban,

Et les fils de ses fils, sans craindre l’ouragan,

Y peuvent croître ainsi qu’à Jéricho, les roses.

Ainsi qu’en des villas de fin treillage encloses,

L’aïeul y voit sa table, au retour des travaux,

Se couronner du plant des oliviers nouveaux.

Dans sa fille, il revoit la beauté qui le laisse,

Et des fils de sa force, il soutient sa faiblesse.

Heureux les jeunes gens et mille fois heureux

Qui se plaisent au sort que le ciel fit pour eux.

 

Comprends le châtiment qui revient à l’impie,

Et que, la faute faite, il faut bien qu’on l’expie,

Et n’écoute jamais la chanson des méchants ;

L’homme est béni du ciel qui cultive ses champs

Et pasteur du troupeau qu’il connaît et qu’il aime,

Sait le nom des agneaux qu’il a nommés lui-même.

Il boira dans la source où le cerf vient bramer

Et sa femme saura sans bijoux le charmer ;

L’agriculteur n’est point un travailleur vulgaire,

De travail ici-bas, de même, il n’en est guère

De plus noble et de plus honorable aux humains.

Le premier homme, Adam, travaillait de ses mains.

Le déluge passé, Noë planta la vigne ;

C’est au pasteur Jacob qu’échut l’honneur insigne

De donner douze noms aux tribus d’Israël,

D’une ferme, Dieu fait un jardin éternel.

 

 

 

Edward MONTIER, L’Enfant prodigue.

 

Recueilli dans Poètes de la famille au XXe siècle, Casterman.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net