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Hymne à la Vierge


Ainsi la myrrhe parfumée
Qu’exhale un brasier dévorant,
S’élève à demi consumée,
Et vole en nuage odorant.

Des flots d’encens et de cinname
Roulent, dans sa mobile flamme,
L’or, l’émeraude et le saphir;
Et le feu pur qui la colore
Fait pâlir celui dont l’aurore
Émaille les cristaux d’Ophir.

Ainsi cette Vierge ingénue,
Pleine de grâce et de beauté,
S’élance, et plonge dans la nue
Son front rayonnant de clarté.
Le choeur mystérieux des anges
Mêle le bruit de ses louanges
Aux concerts des mondes ravis ;
La terre frémit devant elle,
Et sous les pas de l’immortelle
Les cieux abaissent leurs parvis.

Tu parais ! à la nef timide
Qui tente un rivage ignoré,
L’aspect du phare qui la guide
Promet un port moins assuré.
Le palmier, vaste et solitaire,
Verse une ombre moins salutaire
Sur les sables de Gelboé.
Moins d’éclat anime la rose,
Et moins suave elle repose
Près des sources de Siloé.

C’est à toi que la voix des sages
Promit ces destins éclatants
Que leur regard, vainqueur des âges,
Lisait dans les fastes du temps.
Tel le plongeur penché sur l’onde,
D’une vue errante et profonde
Interroge le sein des mers,
Et, sous la vague blanchissante,
Marque la perle éblouissante,
Secret trésor des flots amers.

Le Seigneur, des astres qu’il aime
T’a soumis le choeur gracieux.
Tu brilles dans son diadème,
À l’égal du flambeau des cieux ;
Heureux qui vit sous tes auspices.
Que de fois tes rayons propices
Ont rassuré les mariniers !
Que de fois ta splendeur nocturne
A charmé l’ennui taciturne
Qui veille au lit des prisonniers !

Hélas ! ces héros éphémères
Qu’élèvent de sanglants pavois,
Sont inexorables aux mères :
Ils ne comprendraient pas ta voix !
Mais Dieu, dans son amour immense,
Permet que ton pouvoir commence
Où finit celui des humains.
D’un seul regard tu les désarmes
Et l’on dit qu’une de tes larmes
Éteint la foudre dans ses mains.

Si jusqu’au ciel, où tout s’expie,
Parviennent mes tristes accents,
Tu sais sous quelle chaîne impie
Languissent mes jours innocents :
Tu peux, de l’ombre où je t’adore,
M’envoyer comme un météore,
Sur les ailes du séraphin,
Aux lieux où ma soeur éplorée,
Devant ton image sacrée
Entretient la lampe sans fin.



Charles NODIER.


Écrit en captivité, en 1803.
(Nodier avait publié,
à l'encontre du Premier Consul,
une ode satirique, La Napoléone,
qui fut fort mal accueillie
par la police impériale...)

 

 

 

 

 

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