Le jour des morts

 

À la mémoire de M. Roger de Boccard.

 

 

Les bois étaient si beaux avec leurs tons si rouges

Que Novembre hésitait à changer de décor ;

Pauvres gens et troupeaux, échappés de leurs bouges,

Se chauffaient au soleil pour une fois encor.

 

Le vent même oubliait de dépouiller les arbres,

Et la neige attendait, à l’horizon couvert,

Que les tombeaux aient eu des roses sur leurs marbres

En ce grand jour des morts, premier jour de l’hiver ;

 

En ce jour triste et doux, où l’on prie, où l’on pleure,

Où même le bonheur n’ose plus oublier,

Où l’âme se souvient que la vie est une heure,

Et, tremblante, interroge enfin le sablier...

 

C’est alors que ta vue, ô nature sereine,

Vient raffermir le cœur qui te voit, sans faiblir,

Souriante et parée en ta pourpre de reine,

Attendre le linceul qui va t’ensevelir ;

 

Et tu me fais songer au calme de ce juste

Qui s’en allait au ciel comme on rentre chez soi,

Et, sûr du lendemain, fort de sa foi robuste,

Voyant pleurer les siens, leur demandait pourquoi.

 

 

 

Baronne d’OTTENFELS.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1890.

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net