Moulins

 

 

« C’est le moulin hanté ! C’est l’antre du Malin ! »

Disent les villageois au voyageur qui passe...

Le moulin, sous l’affront, courbe sa tête lasse,

Songeant qu’on l’appelait jadis « maison du pain ».

 

D’une meule pieuse, il a moulu le grain

De l’Hostie où les purs allaient puiser la grâce.

Aujourd’hui, ses bras morts dessinent dans l’espace

Une croix où l’oiseau vient prier au matin.

 

Paysans ! le moulin n’a pas perdu son âme !

Ne le flagellez plus de ce mensonge infâme !

Avec tant de vaillance il servit vos aïeux !

 

Pour que son aile encor sous les vents se redresse,

Pour que sa voix revive en un couplet joyeux,

Il ne veut de vos cœurs qu’un souffle de tendresse !

 

 

                                   *

 

Le Poète est pareil à ce moulin honni,

Toujours montré du doigt par la foule profane...

Hélas ! la Muse fuit lorsque l’Espoir se fane,

Et le Rêve s’éteint quand l’Amour est banni.

 

Paysans du Réel ! ne brisez pas le nid

Où s’abrite un penseur, loin du sot qui ricane ;

Aux jardins inspirés si le Poète glane,

Il recueille pour vous des parfums d’infini...

 

Ah ! reposez sans peur vos esprits sur ses ailes !

Il vous transportera vers des rives nouvelles,

Et le Songe emplira le néant de vos jours !

 

Mais, pour aider son cœur dans l’effort qui le dresse,

Ne lui refusez pas l’appui de vos amours :

Prêtez à son envol un souffle de tendresse !

 

 

 

Simone PARÉ.

 

 

 

 

 

 

 

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