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Stances sur le miracle
de la Sainte Épine



Fragments


Invisible soutien de l’esprit languissant,
Secret consolateur de l’âme qui t’honore,
Espoir de l’affligé, juge de l’innocent,
Dieu caché sous ce voile où l’Église t’adore,
Jésus, de ton autel, jette les yeux sur moi ;
Fais-en sortir ce feu qui change tout en soi ;
Qu’il vienne heureusement s’allumer dans mon âme,
Afin que cet esprit qui forma l’univers,
Montre, en rejaillissant de mon coeur dans mes vers,
Qu’il donne encore aux siens une langue de flamme !

Au fond de ce désert, et ne vivant qu’en toi,
Je goûte un saint repos exempt d’inquiétude.
Tes merveilles, Seigneur, pénétrant jusqu’à moi,
Ont agréablement troublé ma solitude :
J’apprends que par un coup de ta divine main,
Trompant l’art et l’espoir de tout esprit humain,
Un miracle nouveau signale ta puissance.
Ce miracle étonnant, dans un divin transport,
Me presse de parler par un si saint effort
Que je ne puis sans crime être encore en silence.

... Ô mortels, écoutez avec un juste effroi
L’effet miraculeux d’une vertu divine,
Et jugez du pouvoir de votre divin Roi
Par celui que reçoit une petite épine.
Cet oeil défiguré, cet os demi-pourri,
Ce mal que le feu même à peine aurait guérit,
Ce mal qui surpassait tout ce qu’on en peut croire,
Par le pouvoir secret d’un saint attouchement,
Se trouve anéanti dans le même moment,
Sans qu’il en reste rien que la seule mémoire.

Qui n’a senti, Seigneur, dans cet événement,
Cette sainte frayeur qu’excite ta présence ?
Qui s’est pu garantir d’un secret tremblement,
Te voyant dans l’effet de ta toute-puissance ?
Que s’il est vrai qu’ici, dans l’ombre de la foi,
Ta présence secrète imprime tant d’effroi,
Lorsque tu ne parais que pour être propice,
Que sera-ce, Seigneur, alors qu’au dernier jour,
Couvrant de ta fureur l’excès de ton amour,
Tu ne te feras voir que pour faire justice !

Cette épreuve, Seigneur, me fait voir clairement
La raison qui te porte, en des choses pareilles,
Comme pour prévenir ce juste étonnement,
À faire quelquefois pressentir tes merveilles.
Ainsi, malgré l’hiver et la rude saison,
Un arbre fleurissant dans ta sainte maison 1
Nous y fit voir l’espoir d’une chose étonnante.
Ainsi, quand le soleil tenait tout en repos,
Par des songes de nuit qui n’ont rien que de faux,
La vérité parut à ton humble servante.

... J’ai satisfait, Seigneur, l’impétuosité
D’un zèle dont l’ardeur condamne le silence.
Je n’ai point captivé ta sainte vérité,
J’ai suivi le transport de ma reconnaissance,
J’ai dit ce que l’esprit a daigné m’inspirer.

Et maintenant, Seigneur, si je puis espérer,
Selon que tu promets, grâce pour cette grâce,
Pour salaire, ô mon Tout, fais-moi cette faveur
De rentrer dans mon antre avec plus de ferveur
Et de ne plus sortir du secret de ta face.



Jacqueline PASCAL.

Extrait de Jacqueline Pascal, premières études
sur les femmes illustres et la société du XVIIe s.
,
par Victor Cousin, Paris, Didier, 1856.

 



1. Un arbre avait fleuri l’hiver précédent dans le jardin de Port-Royal, à Paris.

 

 

 

 

 

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