Dimanche de mai

 

 

Les arbres des vergers sans bruit laissent pleuvoir

Sur les gazons nouveaux leurs pétales de neige,

Et le hameau fleuri, que le printemps assiège,

Dans la verdure embaume ainsi qu’un reposoir.

 

La brise qui frissonne, un vol d’oiseau qui passe

Rident l’azur où nage une senteur de miel ;

Une sérénité douce descend du ciel,

Et la campagne au loin s’endort, heureuse et lasse.

 

L’âme des cloches dans l’air se meurt ; les maisons,

En extase dans l’or tiède de la lumière,

Ont le recueillement d’aïeules en prière,

Et semblent murmurer de vagues oraisons.

 

Dans l’étable couchés, loin du labeur des plaines,

Les grands bœufs au repos, tirant sur leur licou,

Se lèchent gravement l’un à l’autre le cou,

Et ruminent en paix devant leurs crèches pleines.

 

Faneuses et faucheurs, bergères et bergers,

Les yeux mi-clos, en des attitudes penchées,

Sous l’ombrage inclinant leurs têtes rapprochées,

Passent, rêvant d’amour, dans le fond des vergers.

 

Et du haut de l’azur sous le treillis des branches

Le soleil se glissant en lumineux sillons

Frôle les bras passés autour des cotillons,

Et les blouses froissant les camisoles blanches.

 

Du bout de l’horizon l’haleine des prés verts

Parfois dans l’air pâmé vient mourir jusqu’aux chaumes

Et l’on entend sortir l’écho traînant des psaumes

De la nef de l’église aux vitraux entr’ouverts.

 

 

 

Henri PAUTHIER,

Au village, 1900.

 

 

 

 

 

 

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