Sans son Dieu, sur la terre,

il n’est point de bonheur

 

 

                                                                   À MON AMI – L.....

 

 

Tout passe, cher ami, tout périt sur la terre,

La gloire ! tout s’enfuit, comme une ombre à nos yeux ;

Les mortels, cependant, suivent cette chimère,

Et, dans l’oubli du ciel, ils se disent heureux !

La mort, la sombre mort, sur son aile rapide,

Aura, bientôt, franchi la barrière des temps,

Et répandu les traits de sa pâleur livide,

Sur ces fronts qui semblaient, hier, si rayonnants !

L’impur a cru trouver, dans ses plaisirs factices,

Une félicité, qu’hélas ! Il cherche en vain ;

Mais, le jour qui l’éclaire, au sein de ses délices

N’aura peut-être pas, pour lui, de lendemain.

C’est en vain qu’un mortel, avide de richesse,

Entasse des trésors ; il faudra les quitter :

La mort qui, trop souvent, devance la vieillesse,

Ne lui laissera pas le temps d’en profiter !....

Dis-moi, qu’est devenu ce foudre de la guerre,

Ce tyran qui plongeait les peuples dans le deuil ;

Dis ; que lui reste t-il de sa gloire éphémère ?

Pour courtisans des vers, pour palais un cercueil !

Toi, qu’es-tu devenue, ô beauté mensongère !

La mort couvre ton front jadis si radieux !...

Non, les plaisirs trompeurs qu’on goûte sur la terre

N’auront jamais le don de faire des heureux !...

Mais, heureux !... celui qui, dans ces lieux de souffrance,

Jetant, sur ce bas monde, un regard de dédain,

Met dans son créateur sa plus douce espérance ;

Il verra l’horizon pour lui toujours serein.

Quand la course du juste, ici-bas, est finie,

Sans regrets, sans remords, il quitte ce séjour ;

Pour lui la mort n’est pas le terme de la vie,

Mais, le commencement d’un ineffable jour !

Méprise des plaisirs la douceur passagère ;

Ils n’ont rien qui pourrait satisfaire le cœur,

Et, crois-moi, sans l’amour de son Dieu sur la terre,

C’est en vain, cher ami, qu’on cherche le bonheur !

 

 

Orphir PELTIER.

 

 

Le morceau de poésie canadienne que nous offrons aujourd’hui à l’admiration de nos lecteurs est la production d’un tout jeune homme qui n’a pas encore accompli son Cours d’études mais qui porte le cœur de Gilbert avec la tête d’André Chénier. Rien ne nous apporte autant de bonheur que de pouvoir offrir de tems à autre au public canadien les premières créations de notre génie national ; que ne deviendrait-il pas, si la fortune, au lieu de le persécuter, s’attachait à ses traces pour le soutenir ? Du moins nous désirons entourer de l’intérêt et de la sympathie publics le nouveau chantre canadien ; peut-être même se trouverait-il assez payé si ses chants allaient faire écho, [ou] s’il était sûr seulement d’être compris !

 (Note de l’Éditeur.)

 

Paru dans La Minerve en 1842.

 

Recueilli dans Les textes poétiques du Canada français,

vol. IV, Fides, 1991.

 

 

 

 

 

 

 

 

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