Alma Parens

 

                                                                     À mon Père.

 

 

Avec tes Océans, qui battent tes rivages

Du mouvement rythmé de leurs flux éternels ;

Avec tes monts, tes bois et tes déserts sauvages,

Parmi l’orbe éclatant des astres fraternels,

 

Ô Terre ! tu te meus, et tu vis, magnifique,

Emplissant de rumeurs les cieux larges et froids,

Féconde, ouvrant ton sein à l’Homme famélique,

Depuis l’instant où Dieu te fit naître à sa voix.

 

Par toi, fixant un jour sa course irrésolue,

L’Homme a pu sur le sol s’étendre et s’affermir,

Et par tes fruits, sa race, incessamment accrue,

Marche, à pas de géant, vers les temps à venir.

 

Les générations boivent à tes mamelles,

Depuis quatre mille ans toujours tu rajeunis.

Rien ne saurait tarir tes veines maternelles :

Les peuples forts sont ceux que ta sève a nourris.

 

Tu leur as tout donné : la paix que tu respires,

Et l’eau vive, le pain, l’honneur patriarcal :

Pour trouver ces biens purs qui fondent les empires,

Ils n’avaient qu’à fouiller dans le limon natal.

 

Et, se multipliant comme les grains de sable,

Les hommes ont poussé jusqu’aux pays nouveaux,

Et, pour ces conquérants de soif insatiable,

Tes bras furent toujours le premier des berceaux.

 

Mais tu veux qu’on te garde un culte séculaire.

Ta colère est fatale aux races des ingrats :

Les peuples insensés qui méprisent leur mère

S’effondrent, sans laisser la trace de leurs pas.

 

Ô Terre ! Alma Parens ! ô souverain dictame !

Infatigable amie aux sourires vainqueurs,

Dont les voix de l’été chantent avec notre âme,

Dont les voix de l’hiver pleurent avec nos cœurs.

 

Laisse donc s’agiter l’ambition des hommes,

Et le Progrès rêver un monde sans ta loi.

Pauvres esprits étroits et finis que nous sommes,

Nous n’inventerons rien d’aussi parfait que toi !

 

Salut ! Mère sacrée, en ta source infinie !

Jamais tu n’as trompé nos pénibles efforts :

Tu nous donnes ta sève au cours de notre vie,

Et, pour l’éternité, tu gardes tous nos morts !

 

 

 

J. de PESQUIDOUX.

 

Paru dans L’Année des poètes en 1893.

 

 

 

 

 

 

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