Le Soleil

 

 

Loin des clartés de l’Évangile,

Certes, mon âme eût préféré

Aux dieux d’or, d’airain ou d’argile

Le soleil par elle adoré.

 

Alors qu’au ciel le jour commence,

Le monde entier lui tend les bras.

Il préside en son rôle immense

Au destin de tout ici-bas.

 

Ah ! je conçois que le Mexique ?

Dans l’ignorance du vrai Dieu,

Vît se prosterner son Cacique

Aux autels de l’astre du feu.

 

Sublime, étincelant mystère

De celui qu’on prie à genoux,

S’il n’est pas le roi de la terre,

C’est son emblème parmi nous.

 

Il remplit, radieux, superbe,

De sa lueur le monde entier,

Brillant aux prés sur le brin d’herbe,

Au Liban sur le cèdre altier.

 

Des feux incessants qu’il lui darde

Le mortel se sent inonder

Sans que lui-même se hasarde

Un instant à le regarder.

 

La félicité qui se pose

Dans des lieux où nous le voyons,

C’est sa présence qui la cause :

Elle s’engendre à ses rayons.

 

Quand son œil brillant les regarde,

Il jette la joie au grenier,

L’allégresse dans la mansarde,

L’espoir au cœur du prisonnier.

 

Rien ne l’altère ou ne l’arrête,

On le voit, où que nous allions,

S’étaler sur l’habit de fête

Ou resplendir sur des haillons.

 

En vain l’hiver sur la nature

Étend son linceul de frimas,

Beau soleil à la clarté pure, 

L’on croit à de plus doux climats.

 

Sûr le seuil de chaque chaumière

Viennent s’asseoir les indigents

Et le foyer de ta lumière

Devient celui des pauvres gens.

 

Où qu’il resplendisse, où qu’il tombe,

Son rayon caresse nos yeux ;

C’est le rameau de la colombe,

Un message enflammé des cieux.

 

Dans la demeure la plus sombre

Où végète l’adversité,

Tes filets d’or glissant dans l’ombre

Lancent des éclairs de gaîté.

 

Dieu ! c’est l’éclat qui t’environne !

Ton flambeau qui luit devant toi !

Et le rayon qui me couronne

Ranime et réchauffe ma foi !

 

 

 

J. PETIT-SENN.

 

Paru dans La Tribune lyrique populaire en 1861.

 

 

 

 

 

 

 

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