Canzone VIII

 

 

Vierge belle, qui de soleil vêtue, couronnée d’étoiles, plus tellement au Souverain Soleil qu’il cacha sa lumière en toi ; Amour me pousse à parler de toi, mais je ne sais pas commencer sans ton aide et sans l’aide de celui qui, dans son amour, s’est reposé en toi...

Vierge sage et l’une du beau groupe des bienheureuses vierges prudentes, ou plutôt la première, celle dont la lampe est la plus claire ; ô solide bouclier des affligés contre les coups de la mort et de la fortune, sous lequel on trouve le triomphe et non pas seulement le salut... Vierge, ces beaux yeux qui virent avec tristesse les plaies impies faites aux doux membres de ton cher Fils, tourne-les sur ma périlleuse situation, car étant sans résolution, je viens à toi pour avoir un conseil...

Vierge sainte, pleine de toutes les grâces, qui par une vraie et très haute humanité montas au ciel d’où tu entends mes prières ; tu enfantas la source de pitié et le soleil de justice qui rassérène les siècles remplis d’horreurs obscures et épaisses.

Tu possèdes, réunis en toi, trois noms doux et chers, mère, fille et épouse ; Vierge glorieuse. Dame du Roi qui a brisé nos liens et fait le monde libre et heureux, et dans les saintes plaies duquel je te prie, véritable bienfaitrice, de contenter mon cœur.

Vierge resplendissante et stable dans l’éternité, étoile de cette mer tempétueuse, guide sûr de tout, fidèle nocher, regarde en quelle horrible tourmente je me retrouve sans gouvernail, et déjà je suis près de pousser le cri suprême. Mais mon âme pourtant en toi se fie...

Vierge, que de larmes j’ai répandues, que de supplications et de prières adressées en vain et seulement pour ma peine et à mon grave détriment... La beauté mortelle, les actes et les paroles ont anéanti toute mon âme. Vierge sacrée et sublime, ne tarde pas, car je suis peut-être à ma dernière année...

Vierge, elle est poussière et elle a mis mon cœur en deuil, celle qui, vivante, le tint dans les pleurs et ne savait pas une seule de mes mille souffrances... Maintenant toi, Dame du ciel, toi notre divinité – si parler ainsi est licite et convenable –, Vierge au sens élevé, tu vois tout, et ce que d’autres ne peuvent faire n’est rien pour ta grande puissance ; mets fin à ma douleur ; ce sera un honneur pour toi et pour moi le salut...

Vierge compatissante et ennemie de l’orgueil, que l’amour de notre principe commun te touche ; aie pitié d’un cœur contrit, humble ; car si je continue à aimer avec une admirable fidélité un peu de terre périssable, que devrai-je faire pour toi, chose ni noble ? Si par tes mains je me relève de mon état si misérable et si vil, ô Vierge, je consacre et je purifie à ton nom et mes pensées, et mon génie, et mon style, ma langue et mon cœur, mes larmes et mes soupirs. Conduis-moi vers un meilleur gué et accueille favorablement mes désirs si changés.

... Recommande-moi à ton Fils, vrai homme et vrai Dieu, afin qu’à mon dernier soupir il me reçoive en paix.

 

 

 

PÉTRARQUE.

 

Recueilli dans Les plus beaux textes sur la Vierge Marie,

présentés par le Père Pie Régamey,

La Colombe, 1946.