Ode

à la petite enfance

 

 

Crée un être, et dis-moi

Si ce n’est pas miracle ?

La mort montait vers toi,

L’amour fut son obstacle.

 

Ô halte du sourcier

Sur la nappe de l’onde !

Indice nourricier

De la mamelle ronde.

 

Faire qu’il va rêver,

Bâtir ce petit d’homme,

L’abecquer, l’abreuver,

Être toute sa somme,

 

Ce faon, ce renardeau,

Ce brin de corpulence,

Cette ombre de fardeau

Au bras qui le balance,

 

Ce goret virginal

Qui réclame et qui tète

L’élixir machinal

Avec des coups de tête,

 

Ce goulu, dont l’exploit

– Oisillon, il mendie, –

Est de happer mon doigt

D’une hâte étourdie,

 

Ce joufflue babilleur

Pour qui tout est musique

Et mouvement rieur

Et lumière physique,

 

Ce cœur tout innocent

Où l’existence loge,

Cet avenir récent

Qui rode son horloge,

 

Cet immense petit !

Preuve de la merveille !

Pollen des Fioretti

Dont je bénis l’abeille.

 

 

Paris, novembre 1953.

 

 

 

Henri PICHETTE,

Odes à chacun,

Gallimard, 1988.