Somnium

 

 

Parfois, quand le sommeil obscurcit ma prunelle,

je vois paraître en moi, songe mystérieux,

l’un après l’autre, en long cortège, mes aïeux,

spectres psalmodiant une plainte éternelle.

 

Lugubres, n’ayant plus la parure charnelle,

dans le linceul qui tranche en blancheur sur les cieux,

ils vont, funèbrement tranquilles, et mes yeux

regardent défiler leur suite solennelle.

 

Lorsque le dernier mort à son tour est passé,

je songe que, plus tard, ainsi qu’eux trépassé,

j’aurai l’horrible aspect de leurs vieux os livides...

 

Et je tremble d’avoir, au fond de mon esprit,

vu le destin de l’homme en lettres d’ombre écrit

dans l’effrayante horreur de leurs orbites vides.

 

 

 

Lucien RAINIER, Avec ma vie,

Montréal, Éditions du Devoir, 1931.

 

 

 

 

 

 

 

 

www.biblisem.net