Le nom de Marie

 

Souvenir de la loterie de Notre-Dame-de-Fourvière.

                                Lyon, 1857.

 

 

                                        I.

 

Il est, parmi les noms les plus doux de la terre,

Un nom chaste et béni, dictame salutaire,

Qui dirige les cœurs, comme un phare pieux.

Parmi les plus beaux noms qui rayonnent aux cieux,

Il est un nom si pur que lui seul il fait taire

        Les plus saints, les plus glorieux !

 

Par dessus tous les noms, aimable, harmonieux,

Ce nom, – c’est le doux nom d’une vierge bénie,

D’une vierge qui plaint toute humaine douleur,

Ce nom, parfum divin, ce nom, suave fleur,

Ce nom, baume sans prix pour toute âme qui prie,

Ce nom, trésor du pauvre, étoile du malheur,

Ce nom, cher à Dieu même au sein de sa splendeur,

            C’est le nom de Marie !

 

 

                                        II.

 

        Il est un nom, symbole radieux,

        Qu’à genoux on redit aux cieux ;

Un nom, des malheureux l’espérance et l’égide,

Qu’implorent la vieillesse et l’enfance timide ;

Un nom que toute mère invoque avec des pleurs

Près d’un berceau ; – doux nom, boussole des pécheurs

Et des pauvres marins près de perdre la vie ;

        Il est un nom, suave mélodie,

Un nom, source de paix, qui rafraîchit le cœur

Desséché par l’orgueil ou perdu par l’erreur ;

Ce nom, c’est l’humble nom d’une vierge accomplie ;

Ce nom, dans les dangers bouclier protecteur,

        C’est le nom de Marie !

 

 

                                      III.

 

Où va-t-il ce navire, où va-t-il, ballotté

Par les vents déchaînés, par la vague emporté ?

Sur l’abîme béant, qu’elle soulève en reine,

La tempête, à sa perte, en mugissant l’entraîne

Et le deuil et la mort planent sur ses haubans,

Ses cordages brisés et ses longs mâts tombants,

Mais, sur le pont déjà tout l’équipage prie,

Et soudain un seul nom enchaîne flots et vents...

        Ce nom, c’est le nom de Marie !

 

 

                                        IV.

 

Quand mai vient réjouir chaumières et châteaux.

Quand la glace brisée, aux rivières captives

Rend l’essor qui féconde et reverdit leurs rives,

Quand l’amandier blanchit ; lorsqu’aux flancs des coteaux

La fougère grandie appelle les troupeaux,

Alors, un blond essaim d’enfants, sur la prairie

Bondit, cueillant des fleurs..., et l’essaim chante et prie,

Il chante, en célébrant le bonheur des hameaux,

            Le doux nom de Marie !

 

 

                                        V.

 

Voyez-vous cette ville aux antiques remparts,

Qu’un siège menaçant étreint de toutes parts ?

Courageuse cité, de tes aïeux si fière,

La foudre des combats va réduire en poussière

Tes temples, tes palais et tes hautes maisons ;

La famine et le fer poursuivent leurs moissons,

Et déciment tes fils que le tocsin convie !...

Mais un peuple en prière à genoux s’humilie,

Et cent mille chrétiens ont redressé leurs fronts

            Protégés par Marie !

 

 

                                        VI.

 

Le Très-Haut, sur son peuple, un jour étend son bras ;

Un fléau destructeur vers nos cités s’avance ;

À son nom seul tout fuit ! – La crainte le devance ;

Il approche, semant le deuil et le trépas,

Et le bronze partout dit son funèbre glas !

Un vent empoisonné souffle sur chaque vie ;

Ô grand Dieu ! de nos fronts détournez votre main ;

Dieu clément, épargnez encor le genre humain !

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   

Cependant le fléau redouble de furie,

Et l’homme tout tremblant, d’une bouche flétrie,

Au ciel qu’il outrageait hier, s’adresse en vain !

L’homme se fait pieux sous le courroux divin !

Mais rien ne fléchirait le bras qui le châtie,

Si, dans son désespoir il n’implorait, enfin,

            Le doux nom de Marie !

 

 

Claudius-Antony RÉNAL, 1857.

 

Paru dans La Muse des familles en 1857.

 

 

 

 

 

 

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